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UN AN DE CROISIÊRE
EN EXTRÊME ORIENT

I
DE PORT-SAÏD A SINGAPORE


À BORD DU YACHT « VICTORIA »[1]


Toulon, 10 octobre 1899. — à y a quelques semaines, rentrant d’un assez long voyage, j’écrivais à un ami retenu sur des rives lointaines et qui escomptait par avance les plaisirs de la rentrée au pays :

« … Je ne sais si tu ne te fais pas des illusions sur la joie du retour. Je crois que, pour jouir de la vie parisienne, il faut en être intoxiqué comme pour goûter le tabac ou l’opium. Sinon tout vous semble mesquin, puéril, idiot : les choses, les idées et les hommes. Tu auras été habitué à tout voir d’un peu loin, d’un peu haut. Ici on regarde tout au microscope ou avec des verres de couleur.

« … Et cette grande liberté de la brousse, comme elle vous manque lorsqu’on Ta une fois connue ! Le douanier te guettera à l’arrivée ; la Santé te fera enrager dans le port ; le cocher du

  1. Le Victoria est un yacht à vapeur de 1 900 tonneaux, marchant à une vitesse moyenne de 11 à 12 nœuds et calant 5m, 80. Son personnel comprend environ 60 hommes d’équipage, 4 officiers, un officier mécanicien, un médecin. Loué en Angleterre par le prince et la princesse de B., il portait en outre comme passagers : le prince R. de B. la comtesse C. de B., le baron de N., MM. G. et S. et le comte de M. — Parti de Toulon le 10 octobre 1899, le Victoria rentra à Marseille le 8 octobre 1900 après avoir visité successivement Aden, Ceylan, les îles Andaman, la Birmanie, l’archipel Mergui, la presqu’île de Malacca, Bornéo, les îles Sulu, les Philippines, Hong-Kong, Fou-Tcheou, le Japon, Vladivostok, la Corée, Port-Arthur Takou, Shanghaï, le Tonkin, l’Annam, la Cochinchine, Java, l’île Garcia et les Seychelles.