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quelles causes la faveur du public s’est détournée d’elle. Car s’il est intéressant de voir naître dans ses origines un mouvement littéraire, il ne l’est pas moins d’étudier comment il s’achève, et c’est, en tous les ordres d’idées une importante question de savoir « comment les dogmes finissent. » Ces changemens, que M. Mendès n’attribue qu’à la fantaisie de quelques écrivains, et à leur « appétit d’originalité, » ont des causes profondes dont la première est que les principes littéraires périssent par leur propre exagération. Si, à une certaine date, il avait été très opportun de ramener en poésie le souci de l’impersonnalité, et de restituer la forme dans ses droits, un jour vint où il ne fut pas moins à propos de rappeler que la poésie ne vit pas uniquement d’érudition, d’analyse et d’observation et qu’elle en arrive ainsi peu à peu à se vider de ce qui est l’âme même de toute poésie. C’était le temps où, dans toutes les provinces de la littérature on supportait impatiemment le joug devenu trop étroit et trop pesant du positivisme. On s’apercevait qu’il y a quelque ironie à prétendre jamais qu’on ait chassé le mystère des choses. On se rendait compte que, par-delà la réalité tangible, et en dehors des prises de l’observation scientifique, il reste un domaine immense, celui de l’inexpliqué et de l’inconnaissable. La dureté de la conception naturaliste faisait place à une espèce d’attendrissement qui se décorait du beau nom de religion de la souffrance humaine. L’esthétique trop précise de la peinture cédait la place à celle plus vague de la musique. On avait besoin de rêve, on allait, par réaction, jusqu’à trouver du charme à l’indécis et à l’imprécis. De là le mouvement symboliste qui n’a été que la forme prise dans l’ordre de la poésie par le besoin d’affranchissement et de réaction contre le naturalisme, universellement ressenti à la fin du siècle.

M. Mendès n’est pas tendre pour l’école qui a remplacé la sienne. Il n’y voit guère qu’une insurrection tumultueuse et survenant au moment où notre poésie était la plus parfaite. Ce moment de perfection de notre poésie, M. Mendès le place, de façon assez étrange, pendant les années qui suivirent nos désastres. Mais « il y eut un incident. Lieutenant d’artillerie dans l’armée péruvienne, M. Della Rocca de Vergalo, né à Lima, exilé de son pays, vivait à Paris ; c’était un excellent homme plein de chimères ; et comme il était Péruvien, il fonda une poésie française, déclarant tout net que désormais notre poésie serait vergalienne ou qu’elle ne serait pas. Ces étrangers ne doutent de rien. À vrai dire, ce serait une assez médiocre facétie que de considérer M. Della Rocca de Vergalo, cet ingénu excessif, comme le