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l’ont prouvé, en suppléant les unités nationales dans les services. si pénibles pour elles, des reconnaissances, des gardes et des corvées, pendant les journées de chaleur tropicale où s’effectuèrent les premières opérations de la campagne du Pé-tchi-li. Leurs lanciers du Bengale, en particulier, — dont les officiers, vrais « gentlemen, » recrutés dans l’aristocratie indienne, sont d’excellens cavaliers, admirablement montés, — forment de magnifiques troupes, qui, sans avoir certainement l’instruction professionnelle, dans le service d’exploration, de nos escadrons, ont tenu un rang très honorable, pendant les opérations auxquelles donna lieu la marche de l’armée internationale de Tien-Tsin sur Pékin et dans les opérations autour de la capitale chinoise, aux côtés des unités des cavaleries russe, japonaise et américaine, et plus tard aux côtés des escadrons français et allemands. Mais le principal défaut de toutes ces troupes, surtout lorsqu’elles sont employées hors des Indes, est de ne pas être suffisamment encadrées par l’élément métropolitain, de sorte que, dans un grand nombre de cas, des détachemens, même importans, sont appelés à opérer sans leurs officiers ou sans chefs ni gradés européens ; et l’on connaît les inconvéniens de toute nature qui peuvent résulter de l’action de ces détachemens indigènes ainsi constitués, lorsqu’ils sont livrés à eux-mêmes, qu’ils soient d’ailleurs formés d’élémens de race indienne, annamite, malgache, ou de Soudanais[1].

Il ne sera pas sans intérêt d’ajouter ici quelques mots des

  1. En Erythrée, les Italiens confians dans la valeur de leurs troupes indigènes, composées d’élémens analogues à ceux dont sont formés nos régimens de tirailleurs sénégalais, avaient, par mesure d’économie, réduit les cadres européens de ces unités au nombre de quatre officiers et d’un sous-officier européens par groupe d’environ trois cents hommes, proportion adoptée dans la constitution de la plupart des corps indigènes de l’Inde. Ils ne s’étaient pas rendu compte qu’un officier ou un sous-officier indien, de race aryenne, choisi parmi les nombreux sujets qui, en ce pays, reçoivent une bonne instruction, peut remplacer, dans les différens emplois de ces corps indigènes, dans ceux de comptables notamment, un Européen, mais qu’il n’en saurait être ainsi pour le plus grand nombre des gradés soudanais qui ne peuvent être comparés aux Indiens ni comme culture d’esprit ni comme intelligence.
    La facilité et la rapidité avec lesquelles, lors du désastre d’Adoua, la brigade de tête italienne, qui ne comprenait que des troupes indigènes, fut culbutée par l’impétueuse attaque des Abyssins, est une preuve frappante de la nécessité qui s’impose aux nations soucieuses de mettre leur domaine colonial à l’abri de semblables mésaventures, tout en tirant de leurs corps indigènes tous les services qu’ils sont susceptibles de rendre, d’encadrer toujours ces unités, sérieusement, c’est-à-dire au moyen d’élémens européens, en nombre suffisant et choisis avec infiniment de soin.