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l’action, en faisant complètement abstraction de l’adversaire, qu’ils admettaient, a priori, devoir rester figé sur ses positions jusqu’au moment où l’attaque principale déterminerait sa retraite. On sait qu’il serait fort imprudent d’appliquer une semblable doctrine vis-à-vis de troupes autres que celles en présence desquelles les alliés se trouvaient dans le Pé-tchi-li.

Quoi qu’il en soit, les Japonais ne sont pas de tempérament à s’arrêter en si bonne voie : leur ambition, qu’ils ont hautement proclamée en mainte circonstance, est, en effet, d’arriver à assurer, sur les mers et dans les contrées de l’Extrême-Orient, une supériorité incontestée à leur flotte et à leur armée sur celles de toute autre puissance, et il n’est point d’efforts qu’ils ne tenteront, de dépenses qu’ils ne consentiront pour tâcher d’atteindre ce résultat.

La campagne de Chine procura à leurs officiers une occasion. singulièrement propice de se livrer à une étude comparée des différentes armées étrangères, d’abord, dans la période du début, la plus féconde en enseignemens, celle des opérations des premières troupes, prises au dépourvu et accourues dans le Pé-tchi-li de toutes les colonies d’Asie ; puis, dans la seconde période, celle, au contraire, où chaque grande puissance était représentée pas des élémens prélevés, non sans quelque sélection, sur l’ensemble de l’armée nationale, et dotés de tous les moyens d’action propres à produire une impression favorable sur l’esprit des autres troupes alliées. Les Japonais poursuivirent cette étude, dans tous ses détails, avec conscience et avec une attention soutenue : un corps de l’armée internationale élevait-il des retranchemens, jetait-il un pont, procédait-il, après un engagement, à l’enlèvement de ses morts et de ses blessés, un officier japonais se trouvait toujours là, consignant sur son calepin ses appréciations sur la manière dont chacune de ces opérations était exécutée : il en était de même pour la prise des dispositions du service de sûreté, pour la manière de marcher, le mode de combattre, etc. Nul doute que l’armée et la marine japonaises ne tirent un grand profit, pour le perfectionnement de leurs institutions militaires et de leur matériel de guerre, de l’ample moisson d’instructives observations ainsi recueillies, à terre, et, aussi, dans le contact journalier des équipages de leurs vaisseaux avec les équipages des escadres des autres puissances.

Un autre sentiment qui est fortement ancré dans le cœur des