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pourrons arriver à l’agrégation rationnelle des forces sociales de notre pays. L’avenir est à l’association, mais à une association se présentant sous une forme infiniment plus complexe qu’une société de secours mutuels fondée sur des combinaisons économiques et financières, quelque relevé qu’en soit le caractère par les idées de fraternité humaine qui ont présidé à sa fondation Quelle place doit-on donner à la société de secours mutuels dans le nouveau régime d’organisation du travail dont la loi de 1884 sur les syndicats professionnels pourrait être le point de départ ? Tels sont, nous semble-t-il, les termes dans lesquels doit être posé le problème. Alors seulement il sera loisible d’indiquer les moyens de tirer du mouvement mutualiste actuel, assurément désordonné, le meilleur rendement au point de vue de l’effet social utile.


II

On sait qu’à la fin du moyen âge la corporation, qui représentait alors la forme de l’organisation du travail, comportait un ensemble de prescriptions d’assistance mutuelle entre ses divers membres[1]. Mais quand, bien avant le XVIIIe siècle, survint la décadence de l’institution, la loi de charité réciproque, qu’avait imprimée le christianisme sur l’ancienne société, disparut-elle pour cela des mœurs ? Bien au contraire. Dans le sein des corporations, ou à côté d’elles, avait germé une autre forme de l’association, celle-ci uniquement pieuse et charitable, la confrérie. Professionnelles ou paroissiales, fréquemment les deux à la fois, les confréries se multiplièrent, sous l’influence du clergé. Le concile d’Avignon, en 1649, prescrivit l’organisation d’une confrérie dans chaque paroisse. Placée sous le vocable d’un saint, chacune avait sa fête patronale, sa bannière, ses banquets, allait aux processions en corps et détenait jalousement ses préséances à l’église. On s’y occupait exclusivement de bienfaisance, d’assistance et de pratiques pieuses. On y payait une cotisation et un droit d’entrée. L’âme de toutes ces organisations, c’était la loi de la charité chrétienne que l’Eglise imposait aux fidèles les uns envers les autres et qui faisait alors un des principaux fondemens des rapports sociaux. Ces confréries existaient aussi bien dans

  1. Cf. Histoire des corporations de métiers, et le Compagnonnage, par E. Martin Saint-Léon.