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manque le lien puissant des mêmes intérêts professionnels et des mêmes risques courus. Ces sociétés ne valent que par le président ou le secrétaire qui leur consacrent leur temps et leur bonne volonté, que par le conseil d’administration qui en gère plus ou moins ingénieusement les intérêts financiers. Si la cheville ouvrière vient à manquer, il est à craindre que l’œuvre créée ne se survive pas à elle-même.

D’autres associations sont fondées sur le souvenir de quelque circonstance mémorable qui a autrefois réuni ses divers membres : telles sont les mutualités créées entre anciens combattans de la même campagne, motif assurément des plus honorables, mais ces sociétés vivent… autant que leurs membres. Ce ne sont pas de vraies institutions sociales. Il en est d’autres enfin dont la création n’est due qu’à la fantaisie de quelques-uns qui, un jour, ont voulu être présidens ou secrétaires de quelque chose. Si l’on admire avec juste raison l’accroissement du nombre des sociétés de secours mutuels, combien parmi elles meurent au bout de quelques années ou vivotent misérablement faute d’une intelligente administration et ne procurent aucun avantage à leurs membres !

En résumé, éparpiller les efforts des hommes de bonne volonté ; semer au hasard les sommes provenant des cotisations, fruit de l’épargne des travailleurs ou des largesses des membres honoraires ; créer des œuvres artificielles et éphémères, alors qu’il devrait s’agir d’institutions sociales durables : tel semble être le grand danger de la mutualité à l’heure présente. De cet état anarchique, n’y a-t-il pas lieu de redouter directement ou indirectement des conséquences fâcheuses au point de vue de l’organisation du travail dans notre pays ? Ne serait-il pas urgent, au contraire, pour le plus grand avantage du monde ouvrier et pour le bien général, de coordonner ensemble le mouvement mutualiste et le mouvement syndical ?


VI

Ainsi que l’a écrit M. Charles Benoist, la « cellule » de l’Etat enfin réorganisé, ce sera l’association professionnelle[1]. D’autre

  1. La Crise de l’État moderne, l’Organisation du Suffrage universel. Voyez la Revue des 1er juillet, 15 août, 15 octobre, 15 décembre 1895 ; — 1er avril, 1er juin, 1er août, 1er décembre 1896 ; l’Association dans la Démocratie, 1er juin 1899.