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Le launch me dépose à terre le long d’un grand quai de pierre que bordent des hôtels, des maisons de commerce, des banques. Cela existe dans tous les ports japonais où se sont établis des Européens ; cela se ressemble toujours et cela s’appelle le « bund, » invariablement. Une foule de djinrikshas se précipitent vers moi à fond de train, m’entourent, me bousculent avec respect, se disputent ma personne, novice sans doute et ignorante, qui paiera double tarif et se laissera conduire sans regimber chez les marchands où le cheval — qui est aussi le cocher — touche les plus grosses remises. — Nous verrons cela plus tard. Je veux d’abord aller au Consulat. « French consulate. » — Mon cheval paraît avoir compris. Il part à fond de train, quitte le bund, dévale par des rues. Mon Dieu ! que ces gens-là courent bien ! Brusquement il s’arrête. Sur une porte, je lis : « United States Consulate. » Ce n’est pas cela. Nous repartons. Maintenant nous montons par de petites routes très raides et ombragées. Mon homme est couché sur les brancards, peine énormément, fait des lacets dans l’étroit chemin. Je veux descendre. — Jamais de la vie ! L’honneur professionnel ! Il m’arrête encore au Consulat d’Allemagne et au Consulat néerlandais. Enfin voici le Consulat de France. Cela a été un peu long, mais je ne le regrette pas. J’aime ce premier souvenir du Japon, cette promenade autour de villas, dans des jardins fleuris, avec, en bas, la rade étincelante qui s’enfonce dans les terres, toute bleue entre des collines vertes.


LE TEMPLE DE SURAWA (NAGASAKI)

Des gradins de pierre qui montent tout droit jusqu’au petit sanctuaire où vous attend un cheval de bronze, grandeur nature, qui semble hennir. A droite et à gauche, des maisons de thé, des mousmés rieuses qui font signe d’entrer. Autour du Temple, un grand parc allant jusqu’au sommet d’une petite montagne, parc de camphriers géans au sombre feuillage toujours vert et de camélias grands comme des chênes tout couverts de fleurs rouges. — Par-ci, par-là, sous les grands arbres, des cerisiers et des pêchers tout blancs et tout roses, couverts d’une telle abondance de fleurs qu’on n’en peut apercevoir les branches. On dirait des arbres de neige. — Un souffle passe : mille pétales s’envolent, roses, blancs, rouges, papillons multicolores voletant au gré du