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les perpétuelles menaces d’innovation que suspendait sur leurs têtes l’esprit d’entreprise de Bonaparte : tout cela rendait singulièrement laborieux un accord entre l’Allemagne et Rome. A vrai dire, dès 1802, il n’y avait plus d’Allemagne : il y avait, entre1 ciel et terre, une ombre d’Empire, que le canon d’Austerlitz fit s’effondrer ; il y avait, sur terre, des royaumes et des principautés, qui multipliaient les coquetteries à l’endroit de Napoléon, et qui déjà pressentaient en lui le successeur des Habsbourg, chargé de cimenter l’unité germanique renouvelée. Hommes d’État et hommes d’Eglise, qui voulaient régler par un statut nouveau les rapports de l’Allemagne catholique avec Dieu, se tournèrent naturellement vers Bonaparte.

Dès le 15 août 1802, Maximilien, l’électeur de Bavière, exprimait au Premier Consul son désir de conclure un Concordat avec le Pape et souhaitait, pour mener cette tâche à bien, « l’aide de l’homme qui sut résoudre le grand problème d’une alliance de la Philosophie avec la Hiérarchie. » Ainsi, le Concordat entre Rome et la France était à peine signé, qu’on le considérait, hors de France, comme un exemple classique, comme un précédent qui faisait loi. La Bavière, tout de suite, faisait des avances au Saint-Siège : elle expédiait à Rome, dès 1803, un ecclésiastique, d’ailleurs tout dévoué aux doctrines fébroniennes et aux aspirations illuministes, Haeffelin, pour demander la création d’une Eglise bavaroise, soumise à un archevêque qui serait nommé par le Pape. Le Wurtemberg, aussi, désirait son Concordat. Mais la Cour de Rome prenait acte de ces démarches sans y donner une réponse formelle : car les deux Empires, l’Empire germanique qui ne se décidait point à mourir, et l’Empire français qu’on voyait poindre sur l’horizon, prétendaient l’un et l’autre, chacun de son côté, à réorganiser en bloc l’Eglise germanique et à conclure avec Rome un Concordat d’ensemble auquel acquiesceraient les diverses puissances d’Allemagne. Il semblait que l’arrêt de mort du Saint-Empire romain germanique fût déjà signé dans les conseils de Dieu ; mais, jusqu’en 1806, l’agonisant s’obstinait à vivre ; et Rome lui eût donné le coup de grâce en acceptant d’entrer en pourparlers, individuellement, avec l’un ou l’autre des États du Corps germanique. Consalvi s’y refusa : il estimait que « le parti de la justice est toujours le meilleur, s’il n’est pas toujours le plus productif et le plus heureux : » et faire comme si le Saint-Empire n’existait plus avant même que l’acte de décès n’en