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évêque, voire patriarche ; sinon, à son retour, il en appellerait à l’Allemagne entière, et l’érigerait comme juge entre Rome et lui. Son impatience se brisa contre la patience romaine ; il rentra à Constance fort mécontent ; et, drapé dans sa dignité de vicaire capitulaire, entouré d’un chapitre qui le soutenait et l’aimait, il concerta l’action du lendemain. Des duels de brochures s’engagèrent : les unes accusaient Wessenberg, les autres accusaient Rome ; et les unes et les autres, par le relief même qu’elles donnaient à Wessenberg, semblaient le sacrer primat, même patriarche. Et puis le silence se fit : Wessenberg était devenu gênant… Au moment où, revenant de Rome, il se disposait à parler haut, les envoyés des divers souverains allemands nouaient avec la Curie des entretiens chaque jour plus sérieux ; ils y parlaient bas, très bas, chacun à part et chacun pour soi ; et les conversations qu’engageaient avec Consalvi les souverainetés laïques, même protestantes, et les notes que lui transmettaient, pour le service de ces souverainetés, les théologiens, même fébroniens, étaient pour Rome une première victoire ; car ces conversations particulières et ces notes de détail attestaient qu’avant d’être née, la grande Eglise nationale germanique était morte. Il fallut plus de cinquante ans pour que M. De Bismarck s’essayât une dernière fois, et d’ailleurs inutilement, à contester cette victoire définitive de la centralisation romaine sur l’idée d’Eglise nationale.


VII

Le prisonnier de Sainte-Hélène faisait école. Il avait ouvert le siècle en ménageant au Saint-Siège deux surprises successives, dont l’une, le Concordat, ressemblait à un hommage, dont l’autre, les articles organiques, ressemblait à une duperie. A l’improviste, il avait appelé la diplomatie pontificale à réorganiser avec lui l’Eglise de France ; à l’improviste encore, il avait donné au Concordat, tout ensemble, une entorse et un complément. Les souverains allemands qui voulaient, au lendemain du Congrès de Vienne, rétablir l’équilibre de l’Eglise connaissaient, pour l’avoir étudié, le précédent de Napoléon ; et les grandes lignes de leur politique ecclésiastique s’y calquèrent presque servilement. Ils demandèrent et obtinrent de Rome qu’une assise fût donnée à leurs Eglises ; puis ils prétendirent régler en toute