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celles-ci que ne seraient avantageuses pour la métropole les faveurs que les colonies lui consentiraient en retour ; car c’est l’Angleterre qui est, de beaucoup, le principal marché des produits coloniaux, tandis que les exportations aux colonies ne forment qu’une partie secondaire de l’ensemble des exportations britanniques. Aussi le désir de se voir accorder un tarif de préférence y est-il beaucoup plus général. A quoi bon, se demande-t-on, faire partie de l’Empire britannique, si c’est pour y être traité comme des étrangers ?

Telles sont, aux colonies, les idées génératrices de l’impérialisme ; on voit qu’elles ne sont pas tout à fait les mêmes qu’en Angleterre et qu’il y a quelque différence entre les points de vue auxquels la mère patrie et ses filles lointaines envisagent la nouvelle doctrine et entre les conséquences qu’elles désirent en tirer. La première voudrait d’abord obtenir un concours militaire qui allégeât ses charges ou lui permît au moins de continuer à faire la même figure dans le monde sans les augmenter ; elle voit surtout dans l’impérialisme un remède à son isolement, que lord Salisbury s’est peut-être un peu avancé en qualifiant de « splendide. » Les privilèges commerciaux sur le marché colonial ne viennent qu’en seconde ligne, non que tout le monde ne les considère comme très désirables en eux-mêmes, mais parce que beaucoup de gens s’aperçoivent qu’il faudrait les payer de retour et n’y sont nullement disposés. Le libre-échange a encore bien des partisans en Angleterre, et c’est ce qu’exprimait lord Salisbury quand il disait qu’un Kriegsverein, une union militaire de l’Empire, était désirable, mais un Zollverein impossible.

Malheureusement, établir un Kriegsverein sans Zollverein, ce serait supprimer, sans rien donner en échange, l’immunité de charges militaires, que les colonies tiennent pour le seul avantage de leur situation actuelle. Les colonies, au contraire, voudraient conserver cet avantage, et en ajouter d’autres : pas de Kriegsverein, mais un Zollverein, voilà ce qu’elles veulent, ou plutôt, pas même un Zollverein, mais une place privilégiée sur le marché britannique, en échange de quoi elles feraient à la mère patrie de modiques concessions douanières, tout en maintenant des droits assez élevés pour protéger leurs propres industries et ne pas bouleverser leurs budgets dont les recettes de douane forment la base. Ainsi, au point de vue commercial, chaque partie voudrait obtenir beaucoup de l’autre et lui accorder