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l’escadre australienne était étendue à tout l’Océan Indien et à la plus grande partie de l’Océan Pacifique, à toutes les mers qui baignent l’Asie. De même, le Cap promit de fournir un subside annuel de 250 000 francs, Natal un autre de 875 000. La pauvre petite Terre-Neuve elle-même consacrera 75 000 francs à l’établissement d’une section de la Réserve navale. Mais les représentans du Canada se refusèrent à suivre ces exemples : « Ils tiennent à spécifier, dit leur memorandum[1], que leurs objections ne proviennent pas tant de la dépense éventuelle que de leur conviction qu’accepter ces propositions serait s’écarter gravement du principe du self government colonial. Le Canada attache un grand prix à la mesure d’indépendance locale qui lui a été accordée par les autorités impériales et qui a produit tant d’heureux effets, au double point de vue du progrès matériel du pays et du resserrement des liens qui l’unissent à la mère patrie… » De vagues promesses d’améliorer leurs milices, de chercher à utiliser les nombreux pêcheurs de leurs côtes pour former une réserve navale locale, voilà tout ce qu’on put obtenir d’eux. Le souci jaloux de leur autonomie remporte décidément chez eux sur le patriotisme impérial.

Plus ardens à réclamer des avantages à la métropole qu’à lui en accorder, les représentans des colonies ont voté à l’unanimité une résolution tendant à obtenir que des places soient réservées dans les écoles de cadets aux jeunes coloniaux désireux d’entrer dans l’armée ou la marine ; le ministre de la Guerre britannique a promis de faire son possible en ce sens, et des arrangemens fermes ont déjà été conclus avec l’Amirauté pour réserver des places à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande, au Cap et au Natal. Le Canada ne paraît pas en avoir demandé : ce serait sans doute encore trop de militarisme pour lui.

Ainsi tous les grands projets de Kriegsverein ont échoué devant l’égoïsme et les susceptibilités des grandes colonies ; l’échec complet du projet de constitution de réserves militaires impériales a été une amère déception pour les impérialistes.

La conférence n’allait-elle pas porter plus de fruits au point de vue commercial ? On aurait presque pu le craindre après avoir entendu M. Chamberlain déclarer si nettement que les tarifs de préférence, tels que les comprenaient les colonies,

  1. Blue Book de la Conférence coloniale, p. 73.