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de l’exercer dans les nouvelles colonies sud-africaines. Y aurait-il donc une mesure pour certains bourgeois et une autre pour les ouvriers ? Ou voudrait-on se faire accorder chez autrui ce qu’on ne veut pas accepter chez soi ? Etrange conduite, à coup sûr, que les journaux anglais ont vertement relevée et qu’ils ont même taxée de séparatisme.

Ils ont eu de plus graves sujets de plainte encore. Les représentans de l’Australie avaient accepté à la conférence le programme naval que leur avait proposé la métropole, sous la réserve habituelle de l’assentiment de leur Parlement. Quel accueil ces projets ont-ils reçu aux antipodes ?

« Le peuple australien, dit le plus influent journal de Melbourne, The Age[1], considère avec la plus grande défiance le nouveau projet d’arrangement, en vertu duquel l’escadre auxiliaire australienne, entretenue aux frais de la Fédération, pourrait lui être enlevée à l’heure du danger pour être employée à des opérations de haute stratégie navale en pleine mer, peut-être à des milliers de milles de distance… Dans l’ancien arrangement conclu en 1887, il était stipulé que l’escadre auxiliaire ne devait pas sortir des limites de la station navale australienne, si ce n’est avec l’assentiment de tous les gouvernemens coloniaux qui contribuaient à son entretien. Le nouveau projet supprime entièrement cette salutaire sauvegarde et ouvre cette perspective qu’après avoir dépensé des millions pour avoir une flotte à Sydney en temps de paix, les Australiens risquent de se réveiller en temps de guerre pour trouver leurs côtes dépourvues de défenses navales. Les nouvelles dispositions, si elles sont ratifiées, confondront absolument l’escadre australienne dans la marine britannique. La seule atténuation qu’on propose au caractère impérialiste et anti-australien de ce programme, c’est la stipulation, tout à fait inapplicable, qu’un navire de l’escadre serait monté par des Australiens dont la solde serait plusieurs fois supérieure à celle des marins anglais…

« Mais une objection plus fondamentale à cet arrangement, c’est qu’il tend à imposer au peuple australien une taxation sans représentation. On lui prendra pendant dix ans 2 millions sterling, sans donner à la Fédération la moindre voix au chapitre pour déterminer la manière dont cet argent sera dépensé.

  1. The Age du 12 novembre 1902, cité dans le Times du 2 janvier 1903.