Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de celle du monde entier ; en 1872, 49 pour 100 ; en 1901, 30 pour 100 à peine. En 1877, il sortait des hauts fourneaux britanniques 6 700 000 tonnes de fonte de fer, 47 pour 100 de la production du globe ; en 1901, le chiffre s’élevait à 9 millions de tonnes, mais la proportion tombait à 22 pour 100. En 1860-1861, les filatures du Royaume-Uni consommaient 2 millions de balles de coton ou 48 pour 100 de la consommation du monde civilisé ; en 1901-1902, elles absorbaient 3 253 000 balles, beaucoup plus que quarante ans plus tôt, mais seulement 23 pour 100 de la consommation actuelle du monde ; et ainsi des autres industries. Pour les trois plus fondamentales, que nous venons de citer, l’Angleterre est aujourd’hui dépassée par les États-Unis, qui commencent à lutter avec elle sur les marchés du dehors, et serrée d’assez près par l’Allemagne. Voilà pourquoi sa puissance économique n’est plus la même qu’autrefois ; de par la nature, elle n’est plus, elle ne sera plus jamais la seule grande nation industrielle, elle ne sera même plus la première. Quant à ses colonies, une seule paraît susceptible d’être un grand pays industriel, le Canada, et ce sont les Américains qui, par la force des choses, le mettent en valeur.

Au point de vue maritime, les Anglais sont encore, de très loin, les premiers. Leur flotte commerciale comprend plus de la moitié des navires du monde et la proportion ne décroît que lentement ; leur flotte de guerre est incomparablement plus forte que toute autre. Toutefois, le jour où les États-Unis voudraient se construire une marine semblable, il est clair qu’ils le pourraient, bien que le recrutement du personnel dût leur donner quelque peine ; mais cette question est inquiétante en Angleterre même. Les marines européennes se développent aussi. A mesure qu’elle descend de son piédestal industriel et qu’elle tombe à un rang inférieur au point de vue de la population, la prééminence maritime de l’Angleterre doit être peu à peu menacée.

Il lui reste sa situation insulaire, qui lui permet de consacrer toutes ses forces à l’empire de la mer ; mais celui-ci ne suffit plus à protéger ses colonies. Tant que celles-ci n’étaient pas en contact terrestre avec des groupes de population puissans ; qu’elles ne pouvaient être attaquées que par mer, la puissance maritime suffisait à les défendre. Aujourd’hui, les États-Unis peuvent atteindre par terre le Canada ; la Russie peut de même arriver à l’Inde ; si la France savait utiliser sa merveilleuse