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guerre assez orageux. Les femmes voudraient risquer l’aventure. Les hommes pensent généralement que ce serait de la folie. Finalement on débarque, et le train part à peu près vide.

G.-S… et moi restons en permanence à la gare avec plusieurs attachés militaires étrangers. Tout le monde est assez nerveux. Une foule grouillante et déguenillée, sortie on ne sait d’où, a envahi les quais. Des soldats sikhs, qui font la police sur la concession anglaise, la refoulent à grands coups de rotins. Tous ces gens sont aux aguets pour tenter un mauvais coup. Des soldats chinois, sales et dépenaillés, sont assis par groupes, leur fusil entre les jambes. Ils nous regardent en ricanant.

Les nouvelles peu à peu s’accentuent. Un pont, près de la jonction des deux lignes, est en flammes. Un train spécial arrive à une heure, amenant des employés du chemin de fer, des ingénieurs, des Chinois, des femmes et des enfans. Tout ce monde débarque avec des meubles, des matelas, les objets les plus précieux. C’est une débandade. On se presse autour des arrivans. Ils n’ont rien vu. Ils savent seulement que les Boxeurs approchent.

A une heure et demie, une dépêche. Le train que nous devions prendre est arrêté. Il est parvenu à une station où il n’y avait plus d’employés. Au-delà, le télégraphe est coupé.

Deux heures : un convoi arrive, composé seulement d’un wagon et de plusieurs trucs à marchandises remplis de monde. Il apporte des nouvelles plus précises. Le train de Pékin n’est pas parti. Eux, attendaient à Foun-Taï. Quand ils ont vu les rebelles entrer dans la ville, ils se sont sauvés à toute vapeur avec les gens qui étaient sur le quai. Une jeune femme anglaise descend avec trois petits enfans. Elle ne sait ce qu’est devenu son mari, ingénieur de la ligne, parti le matin pour inspecter la voie. On est très inquiet de toute une colonie de Français et de Belges établie dans la ville de Chau-Sing-Tien dont on a vu flamber la gare. On est sans nouvelles d’eux. On espère qu’ils se sont réfugiés à la légation de Pékin.

Nous rentrons à l’hôtel de Tien-Tsin. Les communications avec la capitale sont coupées. Des corps de volontaires sont organisés dans les différentes concessions. Toute la nuit, des patrouilles parcourent la ville. Si on sonne le tocsin, tout le monde doit se réunir dans les consulats.

29 mai. — Cela va de plus en plus mal. Toute la ligne du Sud est aux mains des rebelles. La station de Foun-Taï, jonction de