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d’en venir là. La situation menace de s’aggraver, si le roi ne trouve pas un moyen de ramener un peu de sang-froid dans les esprits. En attendant, ils s’exaltent de plus en plus, et les cris de : « Vive le monopole ! » continuent de retentir dans tout le pays.


Les Chambres se sont séparées le 4 juillet, c’est-à-dire quinze jours plus tôt qu’elles ne le font d’ordinaire. On a dit que c’était pour permettre à M. le Président de la République de partir pour l’Angleterre en toute tranquillité d’esprit. Que serait-il arrivé si, pendant qu’il aurait été à Londres, une crise ministérielle avait éclaté à Paris ? Cela était peu probable, mais pouvait cependant arriver. Il n’est, en effet, pas douteux que le ministère a été assez sérieusement ébranlé pendant quelques jours, et les augures disaient volontiers que, si la session avait duré deux ou trois semaines de plus, M. Combes aurait risqué d’être rendu à ses études philosophiques. Qu’en sera-t-il après les vacances ? On n’en sait rien : le ministère pourra être complètement désarçonné ou, au contraire, remis en selle. Mais, à la fin du mois dernier, sa situation était devenue critique. Il était tombé, à la Chambre, d’une majorité de plus de 80 voix à une de 16, ce qui est, certes, une diminution sensible et significative. Il s’agissait des congrégations enseignantes de femmes, dont la suppression en bloc avait rencontré des difficultés. Si nous passons d’une assemblée à l’autre, il y avait eu, au Sénat, le discours de M. Waldeck-Rousseau : il avait produit, sur le premier moment, une impression d’autant plus vive qu’il avait été annoncé et qu’on l’attendait depuis plus longtemps. Un acte aussi mûrement réfléchi n’aurait-il pas des suites importantes ? C’est la question qu’on se posait. La majorité ministérielle du Sénat a voulu en avoir le cœur net ; elle a mis à son ordre du jour la suppression des Salésiens de Dom Bosco. Personne ne pensait à ces malheureux quelques jours auparavant ; mais, après l’intervention oratoire de M. Waldeck-Rousseau, on éprouvait le besoin de faire quelque chose pour montrer que le Sénat était toujours le même, c’est-à-dire aussi dévoué au gouvernement, et que le discours de l’ancien président du Conseil n’avait pas fait sur lui une impression durable. C’est ce qu’il fallait démontrer.

On avait songé d’abord à la loi Massé, cette loi votée par la Chambre, qui interdit aux instituteurs congréganistes sécularisés de professer dans leur ancienne commune, ou dans les communes limitrophes ; mais M. Clemenceau, qui est un très grand libéral, conservait, au sujet de cette loi, les scrupules dont M. Buisson s’était si ingénieu-