Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/492

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ce cas, d’une bienveillance active. L’imagination de Léon XIII, experte à s’asservir souverainement les réalités politiques, avait, sans hésiter, conçu comme possible le mariage d’un autocrate avec une démocratie ; le cardinal Rampolla mettait au service de ce dessein un zèle patient, tenace, heureux : l’alliance franco-russe fut cimentée. Léon XIII s’en félicita comme d’un succès personnel de sa politique ; il en parlait avec une entière effusion de cœur, avec un accent qui n’avait rien d’offensant pour aucune nation, mais qui trahissait, d’une façon très flatteuse pour nous, tout ce qu’il espérait du nouvel équilibre diplomatique, tant pour le prestige de la France que pour la paix de l’Europe. « Il n’y a pas, il n’y a jamais eu de nos jours, de parti français au-delà des Alpes, » écrivait à cette date Jules Ferry. Une compensation s’offrait à nous, au-delà des Alpes même : c’était l’amitié de Léon XIII ; elle nous fut fidèle jusqu’au tombeau.


II

Au début d’octobre 1891, en présence du comte Lefebvre de Béhaine, ambassadeur de France, un pèlerinage d’ouvriers français apportait à la basilique de Saint-Pierre un reliquaire, pour y déposer la tête de sainte Pétronille, qui, depuis Pépin le Bref, est considérée, là-bas, comme la protectrice du nom français. Il sembla que ce riche cadeau scellait, tout à la fois, l’ « antique union du Pape et de la France » (ce furent les propres mots inscrits sur le reliquaire), et l’affectueuse rencontre du Pape docteur avec les masses laborieuses. Un double arc-en-ciel resplendissait : des bousculades policières dans les rues de Rome et la lapidation de nos pèlerins en gare de Pise ne réussirent point à en ternir l’éclat. La confirmation de l’amitié franco-romaine et l’avènement du catholicisme social demeuraient des faits acquis.

Ce serait lourdement errer, que de considérer le catholicisme social, soit comme une édition transformée du catholicisme d’antan, soit comme une sorte de reliure moderne artistement adaptée. Il n’y a là ni concession, ni sacrifice à des principes jusqu’ici réputés hétérogènes à ceux de l’Eglise : ce n’est pas plus un demi-catholicisme que ce n’est un catholicisme récent. Le catholicisme social, au contraire, ressuscite et consacre, dans l’Église, les ambitions d’impérieuse générosité que témoignèrent à l’endroit du genre humain les grands papes du moyen âge.