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surtout par héritage des taquineries anticléricales du moyen âge : c’est parce qu’il lui faut des sermons plus fréquens, des visites épiscopales plus régulières, une surveillance plus exacte et plus étroite, par les évêques, des péchés publics, blasphèmes, inobservation du dimanche[1], plaisirs immoraux ou livres hétérodoxes : — appel insistant, et bien curieux, du peuple catholique français à l’Église afin qu’elle consentit à maintenir, par l’accomplissement de sa fonction spirituelle, sa maîtrise sociale.

Seulement, comme à cette tâche la plupart des prélats se dérobent, on demande à l’Etat de les y contraindre, ou mieux, de les y suppléer. C’est le vœu plus ou moins explicite, et le vœu répété pendant soixante-dix ans, de toutes les assemblées nationales, et, dans leur sein, du Tiers-Etat surtout, dès 1560, à Orléans, puis à Blois en 1576, à Paris en 1614, à Rouen en 1626. C’est vers le Roi que l’on se tourne ; c’est ce Roi, restaurateur désormais accepté de la paix matérielle, que l’on conjure de pourvoir de même à l’ordre moral et religieux, d’assurer la double réforme du clergé et du peuple chrétien, d’y appliquer, comme à des matières de police ordinaire, les forces de son autorité grandissante. Et il n’est que juste de convenir que, si, en France, l’Etat a accaparé les fonctions spirituelles, il y fut à de certains momens invité par l’inertie de l’Eglise, autorisé et poussé par les sollicitations des fidèles.

À ces sollicitations, qui la flattaient dans ses visées d’omnipotence, la royauté de la fin du XIVe siècle et du commencement du XVIIe n’avait garde d’être sourde. Elle y répondit par ces ordonnances d’Orléans (1560), de Blois (1579), de Paris (1624 et 1629), dans chacune desquelles bon nombre d’articles nous montrent le pouvoir laïque intervenant en des questions purement religieuses, pénétrant dans l’Eglise pour y faire la police spirituelle de l’Eglise. C’est alors, par exemple, que les cours souveraines sont investies du droit de tenir la main à la création des séminaires ; les procureurs généraux, de vérifier si les évêques résidaient, et, en cas d’absence irrégulière, de saisir leur temporel.

  1. G. Picot, IV, p. 391 : « Ce fut le Tiers État qui se chargea (en 1614) de demander la stricte observation des dimanches et fêtes. Le clergé s’était contenté de réclamer pour les lieux saints les marques du respect public et des mesures destinées à obtenir le silence autour des églises pendant le service divin. »