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de leurs mœurs et actions[1]. » Une règle, pour être obéie, quand elle va surtout contre la routine et les intérêts, a besoin du prestige officiel[2]. Laissés facultatifs, abandonnés « à la conscience de chacun, » légalement suspects et contestables, les décrets de Trente n’avaient nulle force, ni sur les évêques, ni sur le clergé, ni sur les fidèles. En invitant l’Eglise française à se corriger et à se restaurer, on lui en refusait le moyen le plus naturel et le plus efficace.

D’ailleurs, dans la pratique même, la royauté, ni le Tiers-Etat, — toujours agissant de conserve, — n’étaient pas plus touchés de la logique. A une pieuse affection pour son Eglise nationale se mêlait, dans la bourgeoisie surtout parlementaire, l’imprescriptible défiance laïque contre les intrusions et empiétemens du clergé, et la patriotique rancune de sa conduite factieuse et de ses intrigues espagnoles pendant la Ligue. Et dans le gouvernement, à une bienveillance, — intéressée du reste, — pour l’Eglise dont il escomptait les « dons gracieux, » se mêlait la suspicion d’un absolutisme accapareur à l’égard de toute autorité rivale, de toute initiative concurrente. De là, dans cette période, de nombreuses marques d’inconséquence. Ici les consuls de Condom[3] réprimandent l’évêque de tarder trop à créer un séminaire ; là, le Parlement de Bordeaux déclare abusive la punition infligée par l’archevêque à un curé non résident. François Miron prodigue au clergé les exhortations les plus sévères et le convie à se relever ; mais, quand Charles Miron, son frère, évêque d’Angers, veut réformer son clergé, qui regimbe, coût le monde lui fait la vie si dure qu’il est obligé d’abandonner son diocèse, et, dans un procès entre lui et ses chanoines, c’est contre l’évêque réformateur que le Parlement de Paris prend parti.

En fin de compte, la contre-réformation catholique, encore négligée vers 1627 par la grande majorité des évêques, réclamée par le Tiers-Etat, approuvée et adoptée par la royauté, n’était, quand on en arrivait au faire et au prendre, ni secondée de bon cœur par le Tiers-Etat, ni accomplie de bonne volonté par la

  1. G. Picot, t. IV, p. 329, note 1.
  2. Voyez une lettre de l’évêque de Montpellier, en 1637 (Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme français, t. V, p. 37.
  3. Bertrand, Histoire des Séminaires de Bordeaux et de Bazas, t. III, p. 4 ; l’abbé Houssaye, le Cardinal de Bérulle et l’Oratoire, p. 12.