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cette assemblée clandestine[1]. La glace ainsi rompue, on continua sans doute de documenter et de conquérir l’envoyé du Pape. Lorsqu’en 1651, il revient[2] à l’ « assemblée, » c’est porteur d’une approbation orale du Saint-Siège, et le voilà qui accepte de faire partie, lui-même, du groupe parisien.

Enfin, en 1655, le 26 novembre, — date mémorable que D’Argenson note avec solennité, — le nonce apostolique fait remettre à ses confrères[3] « une lettre que le secrétaire d’Etat du pape Innocent X lui écrivait pour lui témoigner l’estime qu’il faisait de la Compagnie du Saint-Sacrement, » et il ne craint pas de laisser à la Compagnie cette lettre dont la copie fut mise au registre et l’original dans les archives comme un « gage précieux. » Et ce ne fut pas tout encore. Retourné à Rome, Bagni ne manqua pas, sans doute, comme il l’avait promis, « d’informer le Pape du bien » que faisait la société secrète et « de ses droites intentions pour la religion et pour l’Eglise romaine[4], » si bien qu’en 1659, il ne songeait à rien moins qu’à en établir à Rome, vraisemblablement de l’aveu du Pape, une pareille. Cette fois, on était entendu pleinement. Le malheur voulut qu’à ce moment, taquinée par Mazarin, la Compagnie de Paris eût à se souvenir plus de sa prudence et de son secret que de son ambition illimitée et de son « esprit universel. » Sans quoi, établis à Rome, confirmés du Pape, ayant, auprès du Saint-Siège, un « supérieur » qui fût vite devenu une manière de « général, » qui sait si les « fils » de M. De Ventadour n’eussent pas ajouté au fécond ensemble d’organes religieux dont l’Eglise de Rome est la capitale, un organe nouveau, plus puissant encore que n’importe lequel des corps monastiques antérieurs ? Alors la Compagnie du Saint-Sacrement eût été vraiment, dans l’Eglise universelle, une sorte d’Eglise occulte autorisée ; et l’on peut se demander ce que n’aurait pas été capable d’accomplir, en devenant internationale, cette ligue de toutes les ressources et de toutes les ardeurs du catholicisme séculier, travaillant et combattant avec la double force de l’indépendance et du secret.

  1. D’Argenson, p. 93. Arrivé à Paris le 7 mai, le nonce alla à la Compagnie le 28 ; accompagné seulement, notons-le, d’un « missionnaire esclavon, » des indiscrétions duquel la Compagnie n’avait probablement rien à craindre.
  2. Ibid., p. 130.
  3. Ibid., p. 156.
  4. Ibid., p. 165.