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lignes de leur rôle. Le mot de « collaboration » convient parfaitement à cette manière d’entendre le commandement. Aussi son instruction du 22 mai 1898 est-elle un véritable manifeste. « Le meilleur moyen, pour arriver à la pacification dans notre nouvelle et immense colonie, est d’employer l’action combinée de la force et de la politique. Il faut vous rappeler que, dans les luttes coloniales, nous ne devons détruire qu’à la dernière extrémité, et, dans ce cas encore, ne détruire que pour mieux bâtir. Toujours nous devons ménager le pays et ses habitans, puisque celui-là est destiné à recevoir nos entreprises de colonisation futures, et que ceux-ci seront nos principaux agens et collaborateurs pour mener à bien ces entreprises. Chaque fois que les incidens de guerre obligent l’un de nos officiers coloniaux à agir contre un village ou un centre habité, il ne doit pas perdre de vue que son premier soin, la soumission des habitans obtenue, sera de reconstruire le village, d’y créer un marché, d’y établir une école. C’est de l’action combinée de la politique et de la force que doit résulter la pacification du pays et l’organisation à lui donner plus tard. L’action politique est de beaucoup la plus importante. Elle tire sa plus grande force de l’organisation du pays et de ses habitans. »

Tels sont les principes qu’a appliqués le colonel Lyautey, en commençant les opérations par la pénétration méthodique de la zone forestière, qui a demandé un effort considérable de la part des cadres subalternes, officiers et hommes de troupe, qui s’y sont consacrés. Il fallait en effet frayer son chemin dans une brousse impénétrée, à travers des obstacles naturels et artificiels accumulés, marcher à la boussole de jour et de nuit, sous une pluie presque continuelle ; et le colonel Lyautey a parfaitement raison d’observer que, si l’on peut reprocher à la guerre coloniale d’être parfois une insuffisante école du haut commandement, il serait d’autre part souverainement injuste de méconnaître la trempe qu’elle donne aux cadres subalternes. Et il ajoute que les résultats obtenus sont une démonstration topique de l’efficacité de la méthode tracée par le général Gallieni pour avoir raison de tout groupement insoumis. Qu’il s’agisse de pirates ou de Fahavalo, du Tonkin ou de Madagascar, elle est toujours la même, reposant sur deux principes : Ne procéder que par actions concentriques, occuper sur-le-champ et définitivement le terrain acquis « et l’organiser à mesure. »