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un terme à l’usure à laquelle donne lieu leur perception. Pour atteindre ce résultat, tout en sauvegardant les intérêts de la colonie et en assurant la continuation des travaux publics, il faut développer le goût de l’indigène pour le travail, lui apprendre la prévoyance et l’épargne, créer des caisses d’épargne, lui en démontrer l’utilité, lui en expliquer le fonctionnement, l’amener en un mot à un degré de civilisation dont il est encore fort éloigné.

Ce n’est certes pas une besogne facile, et le colonel Lyautey, au début de son commandement, avait proposé de mettre à l’étude un projet de création de caisses d’épargne postales. Si ce projet n’a pas eu de suites, c’est que le général Gallieni étudie actuellement la création de caisses d’épargne qui pourraient être placées partout où il y a des caisses de fonds d’avances. Ce serait une mesure des plus heureuses. « Sans compter les avantages qu’elle présenterait pour les Européens, elle permettrait d’habituer progressivement l’indigène à l’épargne et au placement à intérêt, qu’il ne connaît jusqu’ici que sous la forme de l’usure… Il serait facile d’amener à user des caisses d’épargne d’abord les indigènes au contact immédiat des Européens, employés du gouvernement, serviteurs, employés des diverses missions, et peu à peu l’usage s’en généraliserait[1]. »

Il m’est difficile de toucher à cette grave question de l’impôt sans dire un mot de l’abolition de l’esclavage, appliquée, comme on l’a vu déjà, par M. Laroche en septembre 1896, après un vote du Parlement.

Bien que l’esclavage fût très doux à Madagascar, il était difficile, je le reconnais, de l’y maintenir, à l’état d’institution, surtout depuis l’annexion. Ainsi que l’affirme Malouet dans son Mémoire sur l’esclavage des nègres : « A Dieu ne plaise que j’essaie ici de consacrer l’esclavage, et de le réduire en principe. » Il est, il sera toujours une violation du droit naturel dans la personne de celui qui le connaît et le respecte. Mais l’esclavage de Madagascar n’avait aucun rapport avec l’esclavage africain, avec la traite, comme M. Hanotaux l’a reconnu dans un Livre Jaune sur les affaires de Madagascar : « Des nombreuses observations qui ont été recueillies, écrivait-il, il résulte que l’esclavage revêt à Madagascar un caractère particulier qui le différencie sensiblement de l’esclavage africain. »

  1. Colonel Lyautey, Dans le Sud de Madagascar, p 275.