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tout bourdonnant, d’oiseaux persifleurs et de chansons provocatrices. Les premières pièces sont pleines de railleries, d’ironies et d’invectives. Une revendication de la liberté gronde sous la colère du poète ; une revendication de la gaîté sonne dans son rire. Le voici qui salue l’enfant né de sa première aventure : « Tu es la bienvenue fillette ! Bienvenue ! ma jolie, douce, mignonne fillette, bien que tu sois venue un peu sans être demandée, et bien que ta venue m’ait mis aux prises avec l’Eglise et le chœur ; cependant, par ma foi, j’avais fait ce qu’il fallait, ça, j’en donne ma parole[1] ! » Il a payé son plaisir assez cher : rappelez-vous l’enquête de la Kirk-session et l’escabeau de pénitence. Mais les pharisiens de « la Vieille Lumière » lui revaudront cela. Tout incident lui est bon pour faire pleuvoir les satires : une querelle entre deux pasteurs, le zèle excessif d’un « ancien » qui, sans être lui-même irréprochable, a inquiété un ami de Burns pour « négligence habituelle des ordonnances de l’Eglise. » Ecoutez le saint homme s’adresser au Seigneur : « Je bénis et je loue Ta puissance infinie, quand Tu en as laissé des milliers dans les ténèbres, de ce que je suis ici devant Ta vue, par Tes dons et Ta grâce, une lumière brûlante et éclairante pour toute cette contrée. » Certes, j’aurais pu être damné, dit ce bon apôtre de la grâce : « Cependant me voici… Je suis un pilier de Ton temple, ferme comme un roc, un guide, un bouclier, un exemple à tout Ton troupeau. » Et, dans une invocation tout enflammée de ferveur — ou plutôt de fureur — biblique, le Tartufe puritain pousse au ciel une prière trop dépourvue de toute charité, sauf celle que la sagesse vulgaire juge la mieux ordonnée : « Lord, au jour de la vengeance, visite-le ; Lord, ceux qui l’ont employé, visite-les ; dans Ta miséricorde, ne les oublie pas, n’entends pas leur prière ; mais, pour l’amour de Tes fidèles, détruis-les, ne les épargne pas. Mais, Lord, souviens-Toi de moi et des miens, dans Tes bontés temporelles et divines, que je puisse briller en fortune et en grâce au-dessus de tous ; et toute la gloire en sera Tienne, Amen, Amen[2]. »

La satire est cruelle, avec cette pointe aiguë de vérité qui perce jusqu’au vif. Et il y a des traits plus acérés encore. Saint Willie ne confessait-il pas tout à l’heure d’inattendus péchés

  1. A Poet’s Welcome to his love-begotten daughter. Centenary Edition, t. II, p. 37 et 334.
  2. Holy Willie’s Prayer, ibid., p. 25 et 320.