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des palmiers, avec un flot de gens qui circulent, qui portent des fardeaux, qui travaillent, qui encombrent les marchés en plein vent où flottent des étoffes claires, où se débitent des boissons, des fruits et des vêtemens. Des femmes, les seins nus, se promènent sur les talus des rizières, leur dernier né dans le dos, et des hommes, coiffés d’un turban, un kriss à la ceinture, vont et viennent de tous côtés.

Djocja comprend une grande ville commerçante avec de larges avenues bordées d’arbres, et une cité royale qui contient le palais et une population de plus de quinze mille âmes. On trouve ici le type javanais pur, bien plus fin et bien plus joli que le type malais. Les rues sont animées. Voici un prince à cheval, vêtu de draperies sombres, avec, à son turban, une aigrette en diamans. Il est jeune, monte un beau cheval, et il est suivi de cinquante cavaliers, armés de kriss, dont les vêtemens flottent au vent. Ici, c’est un dignitaire de la cour, assis dans le fond d’une voiture avec deux femmes assez jolies et parées, immobiles sur la banquette de devant. Le cocher est coiffé d’une sorte de haut de forme à large bande d’or, et, derrière, se tiennent debout deux serviteurs qui portent de grands parasols ouvragés.

Par l’intermédiaire du résident, nous avons obtenu une audience du sultan. Nous nous y rendons à dix heures du matin, accompagnés d’un capitaine hollandais qui doit servir d’interprète.

Après avoir traversé plusieurs cours, on pénètre dans une vaste salle, sorte de hangar dallé de marbre avec un plafond en bois sculpté. Dans le fond, sur deux canapés rouges, le sultan et la sultane sont assis. Perpendiculairement et debout devant leurs fauteuils, il y a quatre petites princesses, très gentilles, ma foi, vêtues identiquement d’un « sarran[1] » marron et d’une casaque noire. Elles ont, sur la poitrine, trois broches on diamans, et de gros brillans aux oreilles. Le sultan porte une énorme broche et des bagues à tous les doigts. Pas de pierres de couleur : rien que des diamans.

Présentations et salutations. Nous défilons devant toute la famille, serrant d’un air pénétré les petites mains chocolat. Puis, M. De B… ayant pris place sur le canapé du sultan et Mme de B… sur celui de la sultane, nous nous installons dans des fauteuils,

  1. Vêtement national, composé d’une longue pièce d’étoffe qui se roule en jupe autour des hanches. Est porté également par les hommes et par les femmes.