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Elle est simple dans sa richesse. Quelques points isolés et importans, comme des dessus de portes, sont seuls couverts de hauts reliefs. Aux chapiteaux des colonnes, aux frises des murailles, aux bordures des toits, on a tracé des arabesques légères, dentelles de granit qui parent l’édifice, mais qui n’immobilisent pas les regards et qu’on ne considère que lorsque l’esprit a déjà été frappé et ému par les grandes lignes de l’architecture. Ici, c’est un chaos. Dans le dédale des pierres amoncelées, l’œil est attiré par les innombrables statues dont le monument est hérissé, par les sculptures dont il est couvert, par les clochers ajourés qui le surmontent. Cela est si vrai qu’il faut plusieurs instans pour percevoir la forme générale du temple, quelque enfantine qu’en soit la conception : une pyramide carrée à la base, venant aboutir à la cloche ronde qu’est la dagoba finale. Comme architecture, cela a la beauté d’un mur de musée dont on ne peut dire qu’il soit beau, fût-il tapissé de chefs-d’œuvre.

Toutefois, si je ne puis aimer cette masse dont l’unité ne suffit pas, selon moi, à compenser la lourdeur, je dois payer mon tribut d’admiration aux détails, qui sont charmans. Le temple comprend dix étages. On monte de l’un à l’autre, au milieu de chaque face, par un étroit escalier. Les sept premiers sont exactement carrés comme la base. Les trois derniers vont du carré au cercle parfait qu’est le sommet, en passant par des ellipses de plus en plus arrondies. Les assises supérieures sont ornées, tout du long, de cloches de pierre à jour contenant chacune une statue. Quant aux galeries inférieures, elles sont recouvertes, sur leurs deux faces et sur tout le pourtour, de bas-reliefs d’une exécution remarquable. On y voit des scènes de la légende brahmanique, qui semblent avoir peu de liaisons entre elles, mais dont les parties bien conservées méritent un long examen, par le mouvement, l’expression, et le fini de l’exécution. La photographie seule arrive à donner l’idée d’un art qu’il serait illusoire de vouloir décrire.

Tout le pays aux environs de Djocja est semé de ruines datant de la même époque, c’est-à-dire de la domination hindoue à Java. Toutes présentent à peu près les mêmes caractères, les mêmes beautés et les mêmes défauts. C’est pour le touriste une visite intéressante et pour l’archéologue une mine inépuisable de documens.

12 août. — Nous sommes arrivés hier à Solo ou Sourakaita.