Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/681

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

300 pour 100 de sa valeur vénale. — S’il était vraiment un simple objet de luxe, les gouvernemens pourraient, sans soulever de protestation, continuer à le considérer comme une ressource fiscale intarissable et le frapper d’impôts exorbitans. Mais si, au contraire, la notion se répand, du monde savant dans le public, que le sucre est un aliment de première nécessité, qu’il est l’une des sources sacrées de la santé et du travail physique, l’obligation s’impose de le respecter et d’en favoriser l’usage : les droits qui le frappent, les obstacles mis à sa diffusion, prennent un caractère injustifiable et, sous la pression de l’opinion, ils deviennent impossibles à maintenir.

C’est là ce qui se produit, en ce moment même, sous nos yeux. L’opinion a réclamé avec une force irrésistible « le sucre à bon marché. » D’autre part, la situation de l’industrie sucrière en France et la crise de surproduction qu’elle traverse exigent qu’on lui ouvre des débouchés. La France, qui fabrique environ 1 200 000 tonnes, n’en consomme elle-même qu’une fraction, un peu moins de la moitié. L’exportation, déjà difficile par suite de la concurrence étrangère, est destinée à le devenir davantage. La suppression des primes et l’application de la convention internationale de Bruxelles, qui est exécutoire à dater de septembre 1903, menacent d’apporter de nouveaux obstacles à l’écoulement des produits de nos sucreries. C’est donc du côté du marché intérieur que cette grande industrie a été obligée de tourner les yeux. Les fabricans de sucre, les raffineurs, les agriculteurs adonnés à la culture de la betterave, les économistes enfin, se sont trouvés d’accord avec les hygiénistes et les physiologistes pour demander l’adoption des mesures susceptibles d’accroître la consommation intérieure, mesures dont la plus efficace est le dégrèvement fiscal.

Cette conspiration d’efforts a abouti. Les droits excessifs qui frappaient le sucre dans notre pays et qui atteignaient jusqu’au triple de sa valeur vénale ont été abaissés par la loi du 28 janvier 1903. Sans doute, l’impôt de consommation, bien que réduit de 64 francs à 25 francs les 100 kilos, dépasse encore la valeur réelle du produit ; mais, par comparaison avec ce qui existait antérieurement, il est devenu à peu près supportable. On compte que l’abaissement du prix de la matière sucrée, conséquence de l’atténuation fiscale, imprimera un vif essor à la consommation. Il s’en faut de beaucoup que celle-ci ait atteint, chez