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de l’existence et de l’hydrolyse d’une troisième catégorie de sucres, les trioses, dont la molécule contient dix-huit atomes de carbone. On ne les trouve que chez certains végétaux. Nous en citerons trois seulement : le gentianose, le mélezitose et le raffinose. Ceux-là résultent de la copulation de trois molécules de glucoses avec élimination de deux molécules d’eau. Si on leur rend ces deux molécules d’eau, les trois glucoses se reconstituent et le triose s’évanouit. Et c’est précisément là l’opération que leur font subir certains fermens solubles, certaines diastases, opération qui est le préambule de leur utilisation et que l’on peut assimiler à une véritable digestion. Le gentianose, par exemple, est formé par l’union des trois glucoses, deux glucoses proprement dits et le lévulose. Une hydrolyse convenable le résoudra en ses trois élémens. Mais cette hydrolyse doit s’accomplir en deux temps. Une première diastase, l’invertine, fixera sur le sucre complexe une première molécule d’eau et permettra la séparation du lévulose ; une seconde, l’émulsine, agissant ensuite, achèvera l’analyse en scindant les deux glucoses restans. Tout est fixé, ici : les agens, les effets de l’action, l’ordre enfin dans lequel ils doivent se succéder. Si l’on intervertit cet ordre, l’hydrolyse n’a plus lieu ou reste inachevée ; le sucre complexe résiste. Il semble, suivant une heureuse image employée par Fischer et Bourquelot, que chaque ferment soluble, chaque diastase, soit une sorte de clef adaptée à une serrure particulière, qui est le sucre correspondant. De plus, ces serrures s’enclenchent et, pour les ouvrir toutes, pour pénétrer au cœur de l’édifice moléculaire, il faut qu’on ouvre successivement, et dans l’ordre où elles se présentent, les portes qui y donnent accès. M. Bourquelot admet que ce type d’actions successives est plus général qu’on ne pense.


La définition chimique des sucres ne présentait pas jusqu’ici un caractère de précision satisfaisant. Ce sont, disait-on, des Composés ternaires naturels dans lesquels l’oxygène et l’hydrogène sont unis dans les mêmes proportions que dans l’eau ; ce sont, en un mot, des hydrates de carbone. Mais l’exemple des triphénols prouve bien que tous les hydrates de carbone ne sont pas des sucres. — On les définit aujourd’hui par leurs fonctions chimiques et l’on n’a pas de peine à constater que ces fonctions sont variées et complexes. M. Berthelot, depuis