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sont les esprits, une attitude belliqueuse de la part du Saint-Père aurait entraîné la dénonciation immédiate du Concordat. Le ministère actuel a eu soin de laisser cette réforme hors de son programme, lorsqu’il s’est formé ; mais, depuis, poussé par des suggestions auxquelles il n’a pas l’habitude de résister, il a tout l’air de vouloir l’introduire dans sa politique, et M. Combes en a fait plusieurs fois la menace avec un accent qui révélait chez lui de nouvelles dispositions. Il serait sans doute désireux, peut-être flatté d’attacher son nom à une réforme vers laquelle il estime que nous marchons. Le Saint-Père a dû se préoccuper de cette éventualité, et il a fait tout ce qui dépendait de lui pour l’écarter. Il n’y a pas d’entreprise plus dangereuse que celle-là, non seulement pour l’Église, mais pour l’État, et nous plaignons ceux qui osent l’envisager sans quelque crainte. Non pas qu’il soit impossible de concevoir l’Église existant et se mouvant en dehors de l’État et sans attache directe avec lui ; les faits mêmes, dans d’autres pays, donneraient un démenti à ceux qui le soutiendraient ; mais ces pays sont dans une situation politique et sociale très différente de la nôtre ; leur histoire n’a aucun rapport avec notre histoire, leurs mœurs sont à l’antipode de nos mœurs, et ce serait folie de conclure d’eux à nous. Est-ce à dire que, même en France, l’Église ne puisse et ne doive jamais être séparée de l’État ? Ce serait sans doute aller trop loin ; nous ne parlons que pour le présent. Peut-être les partis modérés et conservateurs devront-ils un jour envisager cette réforme comme inévitable et l’accomplir eux-mêmes. Mais qu’adviendrait-il si elle était faite brusquement, dans des conditions qui, ne permettant pas à l’Église de vivre, déchaîneraient de part et d’autre les passions les plus violentes et compromettraient pour longtemps la paix des consciences dans ce pays ? On ne peut y songer sans effroi. C’est pourquoi Léon XIII, bien qu’il comprît parfaitement ce que pouvaient être à quelques égards, au bout de plus de cent ans, les exigences des temps nouveaux, s’est toujours montré en principe partisan du Concordat. Il acceptait tout récemment encore la dédicace d’un livre remarquable que le cardinal Mathieu vient d’écrire sur le Concordat de 1801. Nous en conseillons la lecture à tous ceux qui veulent savoir comment le Premier Consul et le pape Pie VII ont mis fin, à cette époque, à la perturbation religieuse issue de la Révolution française : elle avait été plus violente, mais non pas peut-être plus profonde que celle dont nous sommes menacés en ce moment.

Nous sommes toujours ramenés, dans une étude aussi rapide que