Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/743

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se ferait céder, de gré ou de force, par l’Autriche et par la Prusse. La Prusse sur le Rhin, l’Autriche à Milan et à Venise, les Russes à Varsovie, le Piémont accru de Gênes, le royaume des Pays-Bas garde-barrière de la France, la France dans ses anciennes limites, Alexandre arbitre du continent, c’est le fond des traités de Vienne et l’aboutissement destiné, dès 1805, à la coalition qui se noue.

Mais l’Autriche, qui en formait une des pièces principales, hésitait encore à se jeter dans la guerre. Toutes les forces de la Prusse lui semblaient nécessaires pour opérer la grande diversion, la seule puissante et décisive, l’attaque de la Hollande et des Pays-Bas, et la Prusse ne se prononçait pas. Il importait donc d’endormir Napoléon jusqu’à ce qu’on se crût en mesure de l’écraser. Louis Cobenzl, écrivant, le 4 décembre 1804, à l’archiduc Charles, considérait cette hypothèse : « Si l’empereur des Français soupçonne que l’union des puissances, — Angleterre, Russie, Autriche, — ne tend pas seulement à s’opposer à de nouveaux empiétemens de sa part, mais aussi à saisir la première occasion pour culbuter son gouvernement et pour réduire la France à ses anciennes limites, de sorte qu’il se verrait forcé de les prévenir en saisissant l’occasion de tomber sur nous comme la puissance la plus exposée à ses coups. Cette supposition exige que notre Cour… se conduise avec tant de prudence et de modération que Napoléon se persuade qu’elle n’entrera jamais dans des vues dirigées contre sa personne et son empire, » et que ce ne serait qu’en présence de nouveaux empiétemens de sa part, « par une sorte de désespoir et de nécessité absolue, » que l’Autriche se joindrait aux autres puissances. Cette lettre donne la clef de la politique autrichienne dans l’hiver de 1804-1805, et la mesure de ses protestations réitérées.

Au fond, la résolution est prise. Le 22 avril 1805, Mack, passé tout à fait grand homme et qui répond de tout, est nommé général quartier-maître. Les Autrichiens pressentent la Prusse. « Ce n’est que la Russie qui parviendra jamais à la forcer d’agir malgré elle, » écrit Metternich, envoyé à Berlin.

Mais comment la forcer ? Alliance ou contrainte militaire ? Les vues différaient singulièrement sur cet article entre le tsar et son ministre, Czartoryski. Alexandre préférait l’alliance avec ses spectacles chevaleresques, une entrée impériale dans Berlin, une chevauchée triomphale en Allemagne, avec, à ses côtés, son