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laisse rien échapper des secrets dont il est détenteur. « Jamais il n’y en a eu un seul exemple, » et il profite de tout : « Elle (l’Angleterre) ajoute une foi entière à ces sources, à Paris ; elle s’en est trop bien trouvée pour ne pas le faire. » Les mouvemens commencés, un autre avis, parti de Paris le 23 avril, confirma celui du 1er mars : « On ne sait pas positivement la destination de l’escadre de Toulon, qui est ressortie de Cadix ; ou s’accorde après à l’envoyer aux Antilles[1]. »

Napoléon partit pour l’Italie, décidé à donner au séjour qu’il y ferait tout l’apparat, tout le retentissement possibles ; mais, en réalité, prêt, au premier signal du retour des flottes, à courir en poste à Boulogne, où tout serait prêt pour l’embarquement. « Monsieur Decrès, écrivait-il le 30 mai, je ne sais pourquoi vous désirez tant mon retour à Paris. Rien n’est plus propre que mon voyage à cacher mes projets et à donner le change aux ennemis, qui, lorsqu’ils sauront que je suis arrêté pour messidor et thermidor, prendront davantage confiance et lâcheront quelques vaisseaux de plus dans les mers éloignées. » Et à Cambacérès, le 1er juin : « Je crains d’être retenu hors de Paris tout l’été. »


VI

Napoléon avait fait son entrée à Milan le 10 mai. Les diplomates encombrent les salons du palais ducal. Lucchesini apporte les deux aigles de Prusse, le rouge et le noir ; l’Autriche n’a délégué personne ; mais l’empereur François a fait savoir qu’il accepte les « nouveaux arrangemens de l’Italie[2]. » Le couronnement eut lieu le 26 mai, par un temps merveilleux. Napoléon, ceint de la couronne impériale, entra dans la cathédrale, tenant à la main la Couronne de fer que l’on avait tirée du trésor de Monza. Il était suivi des dignitaires portant les honneurs de Charlemagne, de l’Italie et de l’Empire. Caprara et son clergé le conduisirent au sanctuaire. Il monta sur le trône et, posant la Couronne de fer sur son front, prononça les paroles

  1. Pour les conséquences et la portée de ces avis, notamment sur les mouvemens de Nelson qui alla chercher Villeneuve en Sicile et, jusqu’au 9 mai, fit fausse route, voir l’intéressante et précise étude : La campagne maritime de 1805 publiée dans la Revue d’histoire rédigée à l’Etat-major français, août-décembre 1902.
  2. Napoléon à Barbé-Marbois, 3 mai 1805.