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Bourbon, Orléans ou Bonaparte, ces enchères renversées en décideront. « Parvenir à rétablir l’équilibre, faire rentrer la France dans ses anciennes limites, et asseoir la tranquillité de l’Europe sur des bases solides et durables… » tels étaient, pour les alliés, les « principes » de la coalition. « Posant comme décidé que, pour le bien de l’Europe et de la France, il est nécessaire que la constitution y soit monarchique, c’est de la part de la nation qu’on devra en attendre la proposition, on pourra tâcher de la faire naître, mais nullement déclarer cette intention trop tôt. Les Cabinets de Saint-Pétersbourg et de Saint-James conviendront sur tous ces points, et s’entendront sur l’individu et la famille qui pourrait être appelée à régner en France. Si c’est le Bourbon, lequel d’entre eux, et dans quel moment on l’en informera ; la conduite qu’on exigera de lui, les conditions auxquelles il devra souscrire et dont la plus essentielle serait de se soumettre à la constitution qui aurait été adoptée[1]… »

Moreau, qui n’avait pas encore quitté le continent et rôdait en Espagne, s’offrait, disait-on, à commander un corps auxiliaire, « armée royale de France. » Les insinuations en étaient parvenues à Novossiltsof, à Berlin, en juillet ; en août, l’envoyé russe à Madrid reçut l’ordre d’offrir à Moreau un asile et le grade de général, au titre français, dans l’armée russe. Dumouriez, enfin, se tenait aux aguets.

Toute cette machine formidable allait entrer en jeu dans quelques semaines. Le 28 août, les Russes seraient en Gallicie ; le 28 septembre, ils forceraient la frontière prussienne. « Encore trois semaines, et tout secret sera superflu, » déclarait Cobenzl. Il écrivait ces lignes le 22 août. Ce jour-là, Napoléon avait pris son parti, renoncé à l’expédition d’Angleterre et décidé la marche sur Vienne.


ALBERT SOREL.

  1. Instructions secrètes à M. De Novossiltsof allant en Angleterre, 11 septembre 1804. Papiers relatifs à la mission de M. De Novossiltsof à Londres. Mémoires du prince Adam Czartoryski.