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démasquer successivement toutes leurs bouches à feu. Et voilà déjà, pour chaque commandant d’unité, l’utilisation de l’esprit d’initiative.

L’ennemi ne voudra certainement pas rester dans une position aussi désavantageuse ; il cherchera, par exemple, à profiter de notre dispersion en portant son effort sur l’une de ses ailes. Incline-t-il, pour cela, vers sa gauche ?… Notre commandant en chef ordonne aussitôt une abattée tout à la fois dans le même sens et du même nombre de degrés, de sorte que l’aile menacée se dérobe, augmentant sa vitesse, s’il est nécessaire, tandis que l’aile rendue libre se trouve, par le jeu même du mouvement prescrit, prendre une position de flanc par rapport à l’escadre ennemie. La convergence des feux reste donc assurée par ce simple dispositif « en potence. »

Peut-être, au lieu de se masser sur l’une de nos ailes, l’adversaire sentira-t-il l’avantage de se déployer, lui aussi, et d’opposer exactement cuirassé à cuirassé en amenant son arrière-garde sur la ligne de combat. Dans ce cas, et dès que la manœuvre de l’escadre ennemie se sera dessinée, notre division du centre (les trois unités qui occupent le sommet de l’angle) continuera sa route, tandis que les deux divisions d’ailes, accélérant leur allure et s’écartant du centre, choisiront une position telle que la ligne de front de l’ennemi soit prise d’écharpe par leurs feux. Elles peuvent même, changeant de route cap pour cap, défiler à contre-bord des unités placées aux extrémités de cette ligne et les couvrir en peu d’instans d’une pluie de projectiles. Se rejoignant ensuite en arrière de l’ennemi qui poursuit toujours, ou plutôt qui suit notre division du centre, elles mettront alors son gros entre deux feux…

Rien de mathématique, au surplus, dans ces mouvemens où une foule de circonstances imprévues modifieront sans doute tels ou tels détails d’exécution. Prescrites au moment favorable par le commandant en chef ou demandées par les amiraux en sous-ordre, exécutées même spontanément et sous leur expresse responsabilité par ces officiers généraux qui trouveront là peut-être l’occasion de prendre l’initiative hardie que la Fortune couronne si souvent, nos manœuvres devront, en tout cas, répondre à l’idée fondamentale de l’enveloppement tactique, formulée, développée dans les instructions du commandant en chef. On prendra garde seulement que, dans les diverses positions que nos bâtimens