Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/823

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de commander, de diriger, de faire quelque chose tout seul ? On est entré déjà dans cette voie en formant des chefs de section d’artillerie moyenne et légère pour les bâtimens où les pièces sont disséminées. Les corvées d’embarcations à l’extérieur, dans les pays étrangers, sont une excellente école. Malheureusement pour l’instruction des sous-officiers[1], ces corvées deviennent rares ; mais on pourrait les remplacer par des exercices tactiques de canots à vapeur, au grand bénéfice du coup d’œil militaire, en même temps que de l’esprit de décision et d’à-propos. La plupart des corsaires de la Révolution, à qui, certes, ne manquaient ni la confiance en eux-mêmes, ni l’audace réfléchie, ni même l’instinct de la guerre, étaient d’anciens sous-officiers de la marine royale dont les caractères s’étaient formés sur les vaisseaux ou les frégates d’alors, au cours d’une existence à la vérité beaucoup plus accidentée, beaucoup plus aventureuse que celle que l’on mène aujourd’hui sur nos cuirassés et sur nos croiseurs.

Pour les officiers subalternes, enseignes et lieutenans de vaisseau, il y a, félicitons-nous-en, la parfaite école des torpilleurs et bientôt des sous-marins. Si les torpilleurs n’existaient pas, il les faudrait inventer pour rompre nos futurs commandans d’unités de combat à l’exercice des responsabilités. Tâchons donc d’en étendre le bénéfice à un plus grand nombre de sujets, en grossissant l’effectif d’une flottille qui, d’ailleurs, utilisée en temps de guerre avec résolution et jugement à la fois, nous rendra les plus sérieux services. Seulement, pour Dieu ! que l’on ne s’avise pas de faire exécuter des évolutions d’escadre à des groupes de torpilleurs, ni des manœuvres à rangs serrés !…

Mais ces officiers subalternes, les voici devenus officiers supérieurs, capitaines de vaisseau et capitaines de frégate, et c’est chez eux, appelés qu’ils sont à commander les grandes unités de combat, qu’il est le plus désirable de rencontrer l’esprit d’initiative dont notre tactique a besoin. Eh bien ! ces officiers seraient-ils convenablement préparés par le régime actuel de nos escadres, par les méthodes courantes d’exercices du temps de paix, à la direction personnelle de leur bâtiment et à l’utilisation vraiment personnelle aussi de son armement offensif ?

  1. Et même des jeunes officiers sortant du Borda. C’est aux aspirans que l’on confie d’ordinaire le commandement des chaloupes et canots expédiés à quelque distance du bord, surtout à l’étranger. Ils s’y trouvent souvent dans des conjonctures délicates.