Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enlevait à Dandin quelques « sacs. » — Quelqu’un à qui elle devait se heurter à tout instant, dans ses démarches si diverses, c’était ce « Procureur général » qui, indépendamment de la police judiciaire, était chargé de « veiller aux intérêts des hôpitaux, au maintien de la discipline ecclésiastique, » jusqu’à « pouvoir forcer les évêques à la résidence[1]. » Quand elle faisait tenir des règlemens de police, élaborés par elle et tout prêts, au Premier Président ou au Procureur général, ceux-ci, à moins (comme il arriva parfois) d’être de ses membres, n’auraient-ils pas été fort choqués, s’ils avaient su d’où leur venaient des incitations aussi précises, de ce qu’une assemblée de particuliers s’arrogeât un droit de législation qui n’appartenait, avec les baillis et sénéchaux du Roi, qu’au Parlement ? — Enfin, lorsqu’il s’agissait de faire exécuter ces règlemens et d’en surveiller l’observation, — ce qui était le fait des officiers municipaux ou royaux[2], — que pouvaient dire ces magistrats et fonctionnaires, s’ils eussent rencontré sur leur chemin une société assez téméraire pour s’immiscer publiquement dans leur office ? Il n’est pas jusqu’aux « Chevaliers du Guet, » royal ou municipal, qui n’auraient eu le droit de se fâcher, lorsque la Compagnie de Paris mobilisait ses membres à la recherche des délinquans.

Pour ce qui est des autorités ecclésiastiques, c’était d’une manière perpétuelle, et, peu s’en faut, outrageuse, que la Compagnie du Saint-Sacrement marchait sur leurs brisées.

Ne fût-ce qu’en s’occupant des œuvres pies, je dis de la façon dont elle avait coutume de le faire, la Compagnie du Saint-Sacrement méconnaissait les attributions des évêques. De ces œuvres, l’évêque prétendait avoir, de droit divin (et les usages ou la jurisprudence de France le reconnaissaient), la haute direction[3]. Évidemment, il n’était pas interdit aux bonnes âmes de travailler « à la vigne du Seigneur, » mais avec l’évêque, mais sous lui, — tandis que la Compagnie du Saint-Sacrement, elle, se traçait

  1. Dareste, ouvrage cité, p, 319.
  2. A Paris, du Prévôt de la ville et de ses lieutenans, des Échevins, du Prévôt des marchands, réunis en Commission au Châtelet ; — en province, du juge principal de chaque endroit et des commissaires-examinateurs, obligés, par une ordonnance de 1586, à la visite hebdomadaire des villes et lieux de leur charge.
  3. Voyez seulement le Recueil des Actes du Clergé (1716), t. II, p. 302 : les évêques ont le droit de visiter tous les hôpitaux, les confréries, les lieux et les assemblées de piété, encore que l’administration en appartienne à des laïques. Cf. Chéruel, Dictionnaire des Institutions, t. I, p. 391.