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d’immenses espaces désertiques, nus, incultes, sans eau, composés de sables ou d’amas pierreux, sous un ciel de feu, les Wahabites avaient gardé leur sol vierge, à travers les siècles, de toute profanation étrangère. Ils se croyaient invincibles dans leurs repaires et en mesure de défier les attaques de n’importe quelle armée régulière. Les armées égyptiennes, qui, au commencement du siècle, avaient arrêté leurs envahissemens du côté de la Mecque et de Médine, n’avaient pu pénétrer jusqu’au fond du Nedjed, et, même après les défaites que leur fit subir Méhémet-Ali, ils n’en étaient pas moins restés une puissance redoutable et le peuple le plus puissant de l’Arabie. Avec d’aussi farouches sectaires, les Anglais ne pouvaient songer à renouer des relations analogues à celles qu’ils entretenaient avec le sultan de Mascate, et force leur fut de n’entrer en contact avec les Wahabites que pour donner la chasse à leurs boutres dans les eaux du golfe ; mais, trop avisés et trop prudens pour se laisser entraîner à une expédition pénible et risquée à l’intérieur ou à une occupation de la côte qui eût pu être fatale à la santé des troupes laissées en garnison, ils n’eurent garde d’effectuer une opération de guerre en terre ferme. Ce fut à la Turquie, à défaut de l’Angleterre, qui ne voulut pas se fourvoyer dans le guêpier wahabite, qu’échut le rôle ingrat de se mesurer avec les conquérans de l’Hasa. En 1870, le gouvernement ottoman rêvait de faire passer ses prétentions de suzeraineté sur l’ensemble de l’Arabie restées jusqu’alors platoniques dans le domaine des réalités. Naturellement l’empire wahabite fut le premier État arabe qui, par sa situation à proximité de la Syrie et de la Mésopotamie, se trouva visé par les revendications de la Porte, et ordre fut donné au vali de Bagdad, alors Midhat-pacha, de prendre les dispositions nécessaires pour imposer au Nedjed la souveraineté ottomane. Ce dernier, en conformité de ses instructions, résolut de porter la guerre sur le seul point réellement vulnérable du territoire wahabite, c’est-à-dire la côte de l’Hasa, dont pouvait se rendre maîtresse une armée disciplinée et soutenue par une flotte, el, pour arriver à ses fins, s’adressa au cheïk de Koweït, dont le concours était indispensable au succès de l’entreprise. On sera peut-être étonné qu’une puissance disposant de forces aussi considérables que la Turquie ait eu besoin de recourir à l’aide du chef du petit État de Koweït pour venir à bout des Wahabites ; mais c’est bien ici le cas de faire remarquer que l’importance