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s’exerce visiblement à l’égard du gouvernement italien, et le gouvernement italien n’a laissé pour cela au pape d’autre ressource que d’être brouillé avec lui. Peut-être, dans un avenir indéterminé, un pape qui ne serait pas Italien pourra-t-il opérer un rapprochement entre les deux puissances ; mais ce n’est pas plus de Pie X que de Léon XIII qu’il est permis d’attendre une pareille solution. Ni le temps ni les hommes n’ont encore fait pour cela l’œuvre préalable nécessaire. Au reste, nous ne sommes pas sûrs que le gouvernement italien lui-même, dans sa forme actuelle et avec les élémens qui le constituent, désire une réconciliation qui détacherait aussitôt de lui les partis avancés avec lesquels il a partie liée. La circulaire que M. Zanardelli a adressée à ses préfets est de nature à confirmer ce doute. Elle leur a interdit, en termes brefs et secs, de participer aux fêtes qui pourraient avoir bleu à l’occasion de l’avènement du Saint-Père, et le motif qu’elle en donne est que le gouvernement du roi n’a pas reçu notification officielle de cet avènement. S’attendait-il donc à la recevoir ? Espérait-il que le premier acte de Pie X serait de changer sur un point aussi grave le précédent établi par Léon XIII ? Non : le pape et le roi sont condamnés à vivre à côté l’un de l’autre, dans la même capitale, sans se connaître. On a beaucoup dit dans les journaux italiens, pour entretenir pendant quelques heures de plus des espérances décevantes, que le cardinal Sarto avait eu des rapports personnels, à Venise, avec le roi et d’autres personnes de la famille royale, qu’il s’était montré en public avec eux, qu’il leur avait adressé des discours empreints du plus pur patriotisme italien et d’un véritable loyalisme. Sans doute, mais qu’est-ce que cela prouve ? Ni les deux derniers papes, ni celui-ci, n’ont jamais contesté que le roi ne fût très légitimement roi à Venise, ou à Turin, ou à Florence ; c’est seulement à Rome et dans les Romagnes, en un mot dans les anciens États de l’Église, qu’ils lui ont refusé et continuent de lui refuser ce titre. On le sait bien en Italie, et dès lors on ne saurait y conclure, de l’attitude que le cardinal Sarto a eue à Venise, à celle que Pie X aura à Rome à l’égard de Victor-Emmanuel. Cette attitude sera celle de Léon XIII, qui a été celle de Pie IX, avec les différences que les caractères des hommes ont pu ou peuvent encore y apporter, mais avec une parfaite uniformité au fond. Tout ce qu’on peut augurer de ce qu’on sait de Pie X est qu’il ne viendra de sa part ni hostilité, ni provocation ; quant à la réconciliation que tant de gens rêvent en Italie, elle ne dépend ni de lui, ni du roi, ni de personne. Dans ce pays fertile en combinaisons, la seule qu’on ait