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Empressons-nous toutefois de rendre hautement cette justice au contingent anglais que ces quelques imperfections de la première heure, — comme aussi son grand amour du confort et du bien-être, que les autres contingens, par un sentiment auquel l’envie n’était sans doute pas tout à fait étrangère, s’exagéraient encore — ne l’empochèrent pas, dans toutes les circonstances où l’orgueil du nom britannique était en jeu, de s’en montrer digne par l’énergie de sa résolution[1].

Quant à leurs officiers, — qui sont quelquefois représentés, principalement ceux qui servent dans les corps indigènes, comme se désintéressant outre mesure des détails de l’instruction de leur troupe et même de leur discipline intérieure, menant leurs hommes de très haut, et bornant ainsi, pour la plupart, leur rôle à se mettre à leur tête, à la manière de nos anciens gentilshommes, à l’heure des parades et des revues ou pour les conduire au combat ; et quant à leurs sous-officiers, — lesquels forment, dans tous les corps anglais, un cadre de gradés ne craignant, comme discipline et comme valeur générale, d’être comparés avec ceux d’aucune autre puissance, — les uns et les autres, sans se départir, dans les momens les plus critiques, du flegme qui caractérise les fils d’Albion, tenaient très haut le sentiment du devoir et se comportèrent toujours, devant l’ennemi, selon une expression que l’on trouve souvent dans les rapports des chefs anglais et américains, en gallant gentlemen, c’est-à-dire en gens de cœur, en vaillans soldats.

Il n’est point douteux que les rudes épreuves de la guerre, dans une contrée d’une nature si particulière, poursuivie par l’Angleterre contre cette poignée de braves qui luttait alors pour la défense de ses foyers et de sa liberté, désespérément, avec un héroïsme dont l’histoire ne fournit pas de plus bel exemple, guerre dans laquelle plusieurs centaines de mille hommes de toutes armes de l’armée anglaise auront successivement été engagés[2], ne développe encore à un plus haut degré dans cette

  1. Un officier, arrivé à Tien-Tsin le 2 juillet, rapporte le fait suivant :
    « Les Anglais avaient établi une grosse pièce en batterie sur le bord du Peï-Ho, à proximité d’un poste français. Je les ai vus souvent faire la manœuvre de cette pièce sous un feu violent, avec le calme et la discipline d’artilleurs qui sont sur un terrain d’exercice. L’un d’eux fut tué par une balle et un autre blessé, sous mes yeux. Ces hommes furent emportés et remplacés sans que les autres servans en fussent le moins du monde distraits du service de la pièce. (Notes du capitaine M…)
  2. Mettons ici, à titre de renseignemens, la décomposition des forces anglaises et coloniales qui ont été opposées à celles des Boers et dont le total s’élève à 438 495 hommes.
    Troupes régulières envoyées d’Angleterre 228 171 hommes
    Milice 45 566 —
    Yeomanry 35 520 —
    Volontaires 20 689 —
    Police sud-africaine (Constabulary) 7 273 —
    Total 337 219 hommes.


    Expédiés des Indes :

    Troupes régulières 18 229 hommes.
    Volontaires 305 —
    Volontaires des colonies 30 328 —
    Volontaires sud-africains 52 414 —


    Les pertes se sont élevées à 21 942 hommes et officiers morts et 22 829 blessés. D’après les généraux boers, le nombre total des morts du côté boer ne dépasse pas 3 500 hommes.