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M. le président du Conseil a prononcé, le 9 août, à Marseille, un discours qui était attendu avec curiosité, parce qu’il avait été annoncé avec fracas. Qu’allait dire M. Combes ? Les uns annonçaient qu’il ferait part à son auditoire de son intention de se démettre de ses fonctions, et de s’en aller à la Waldeck-Rousseau ; les autres croyaient, au contraire, qu’après avoir épuisé la première partie de son programme, il en exposerait une seconde, plus séduisante encore, et qu’il donnerait par-là une cohésion et un essor nouveaux à sa majorité. Dans les deux hypothèses, le discours de M. Combes aurait eu de l’intérêt : ni l’une ni l’autre ne s’est réalisée. M. Combes a déclaré qu’il conserverait le pouvoir aussi longtemps qu’on ne le lui arracherait pas de haute lutte. Mais que fera-t-il désormais au gouvernement ? Il continuera, voilà tout. Il est content de lui et il l’a dit très crûment, jugeant sans doute qu’on ne saurait être mieux loué que par soi-même, lorsqu’on se connaît d’ailleurs aussi bien qu’il le fait. Quant à ses adversaires, il les a quelque peu tournés en ridicule, ce qui est dur pour eux ; mais il a réservé ses traits les plus lourds, moins pour les républicains libéraux et modérés que pour les radicaux dissidens qui ont la rage d’être ministres à sa place. Aux portraits qu’il en traçait, on aurait pu mettre des noms. Certes, M. Combes n’aime pas ses successeurs éventuels ; mais il a cessé aussi d’aimer son prédécesseur, et il lui a dit son fait avec quelque vivacité. Que les temps sont changés, car nous n’imaginons pas que les hommes le soient ! Il y a un an, M. Combes était l’humble disciple de M. Waldeck-Rousseau ; il n’avait accepté le pouvoir que pour y suivre docilement son inspiration ; sa tâche devait se borner à appliquer exactement l’admirable loi sur les associations. Aujourd’hui, M. Combes ne cache plus que cette loi était fort mal faite, ce qui est bien notre avis, et que, s’il ne l’avait pas interprétée à sa façon, elle n’aurait pas produit plus d’effet que tant d’autres lois qui n’ont jamais été exécutées parce qu’elles étaient inexécutables, ou d’autres mesures qui sont restées déplorablement inefficaces, comme les décrets de Jules Ferry. Pauvre homme que Jules Ferry ! Encore plus pauvre homme, M. Waldeck-Rousseau ! À ce dernier, M. Combes a démontré point par point qu’il n’avait rien compris à sa propre loi, et il n’a rien laissé debout de son dernier discours. Mais pourquoi n’a-t-il pas dit tout cela à M. Waldeck-Rousseau lui-même et devant le Sénat ? M. Waldeck-Rousseau lui aurait sans doute répondu, et on aurait pu juger entre eux. M. Combes s’est tu prudemment au Luxembourg ; six semaines après, il parle à Marseille, en l’absence de son contradicteur, avec une