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royaume d’Italie... Je ne veux pas entendre parler du roi de Sardaigne, je tranche le mot, pas plus que des Bourbons :... Quant à la Hollande, je ne veux donner aucune garantie... C’est une offre que je ne referai point dans quinze jours... Une fois que j’aurai levé mon camp de l’Océan, je ne puis plus m’arrêter, mon projet de guerre maritime est tout à fait manqué ; alors je ne gagnerai plus rien à donner le Hanovre à la Prusse. Il faut donc qu’elle se décide sur-le-champ. « Je suis obligé de marcher du 7 au 12 septembre ; que la Prusse menace et fasse connaître que, si l’Autriche passe l’Inn, elle entrera en Bohême, sinon, rien ! »

Le 23 août, la réponse de Decrès arrive. Elle laisse peu d’espoir que Villeneuve sorte de Cadix. Toutefois, il reste encore une chance. Napoléon la suppute : mais déjà tout son esprit, toute sa volonté se portent vers la terre. « Si mon escadre suit ses instructions, se joint à l’escadre de Brest et entre dans la Manche, il est encore temps : je suis le maître de l’Angleterre[1]. » Mais les vents sont contraires ; s’ils le demeurent et si les amiraux hésitent : « Je cours au plus pressé : je lève mes camps... et, au 1er vendémiaire, 23 septembre, je me trouve avec 200 000 hommes en Allemagne, et 25 000 hommes dans le royaume de Naples. Je marche sur Vienne, et ne pose les armes que je n’aie Naples et Venise, et augmenté tellement les États de l’Électeur de Bavière, que je n’aie plus rien à craindre de l’Autriche. »

Son plan est double : politique et militaire. En politique, il lui faut gagner du temps ; c’est à Talleyrand de filer la rupture en conséquence. Il envoie Duroc à Berlin : « Vous conclurez le plus promptement possible le projet d’alliance... Ma conduite sera celle du Grand Frédéric au commencement de sa première guerre. » A Naples, où l’on annonce le débarquement de 6 000 Anglais, il exige qu’Acton et Damas soient chassés de la Sicile, que les troupes napolitaines soient placées sous le commandement d’un officier français, que les milices soient licenciées : « Alors, je conclurai un traité de neutralité avec la reine de Naples, qui assurera la tranquillité. » Mais il n’y croit pas, et il se précautionne. Ses exigences ont pour objet de mettre les Napolitains à genoux, désarmés, déshonorés, ou de les pousser

à des imprudences qui donneront prétexte à la guerre ; et il y

  1. A Talleyrand, à Berthier, 22 août 1805.