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Chambre, depuis longtemps l’espoir de son parti et même des autres, toujours sur le point de devenir ministre et toujours réservé à des destinées ultérieures. Il a fait entendre, sur un mode adouci, des revendications analogues à celles du parti de l’indépendance, et la seule concession qu’il ait faite a été de dire qu’il n’était peut-être pas indispensable, ni même possible de les réaliser toutes en même temps. Aujourd’hui, c’est l’autonomie militaire qui est en cause. Le parti de l’indépendance veut une armée exclusivement hongroise, c’est-à-dire commandée en langue hongroise par des officiers hongrois, réforme profonde et radicale qui, le jour où elle sera faite, risque d’affaiblir la défense nationale dans une de ses conditions essentielles, à savoir son unité. Au lieu de l’armée aujourd’hui commune aux deux parties de la monarchie, il y en aurait deux, qui marcheraient de conserve, soit, mais distinctes l’une de l’autre, et sous des drapeaux différens. Ce serait le dualisme militaire après le dualisme politique : on comprend que François-Joseph recule devant cette perspective. Le vieux souverain, inquiet, attristé, un peu découragé d’avance, est venu à Pest, et c’est la première fois, croyons-nous, qu’il s’y rend pour dénouer une crise de ce genre. Mais il n’a pas encore réussi à dénouer celle qui est pendante, et il en a remis la suite à une date ultérieure, après les manœuvres de septembre. En attendant, le comte Khuen-Hedervary reste à la tête des affaires, dans la situation certainement la plus fausse, la plus déconcertante et, on peut le dire, la plus désemparée où jamais homme politique se soit trouvé.

Voilà pourquoi ni la Russie, ni l’Autriche ne veulent pour le moment être mêlées aux affaires de Macédoine. Elles en ont d’autres ailleurs, qui leur suffisent. L’accord qu’elles ont conclu en 1897 pour maintenir le statu quo dans les Balkans et s’interdire d’y rechercher des avantages exclusifs reste très solide, au moins dans leurs intentions. Quant à l’avenir, et peut-être même à un avenir prochain, nul ne peut le prévoir. L’insurrection gagne et se propage. Boris Sarafoff en a pris le commandement suprême, et il ne recule devant l’emploi d’aucun moyen, pas plus de la dynamite que du fusil. La question est de savoir si le veto de la Russie et de l’Autriche continuera de peser sur la Bulgarie et sur la Serbie d’une manière efficace, et leur imposera jusqu’au bout une abstention qui, de la part de la première, est plus apparente que réelle. Quant à la Turquie, elle se défend. On l’accuse naturellement de le faire par des procédés barbares : la vérité est que tout le monde emploie des procédés barbares dans les Balkans.