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l’empruntons de préférence, parce qu’ayant appartenu au ministère qui a fait la loi du 1er juillet 1901, il semble mieux en situation d’en parler. Cependant nous ne croyons pas qu’il le fasse avec justesse.

Comment peut-il dire que cette loi est restée étrangère aux questions d’enseignement ? On croit rêver en entendant une pareille assertion. On se demande si on a mal écouté, mal entendu, mal compris la discassion. Avant même qu’elle s’ouvrit, M. Waldeck-Rousseau était allé prononcer à Toulouse un discours retentissant. Qu’y disait-il ? Que la jeunesse française était divisée en deux classes qui ne pouvaient ni penser, ni parler, ni agir de la même manière. C’était un grand mal à ses yeux : il provenait de l’éducation et de l’enseignement difîérens qu’on donne à cette jeunesse et qui détruisent en elle l’uniformité mentale que les jacobins ont toujours rêvé de réaliser. Comment croire que la loi qui est issue de cette pensée fondamentale aurait été étrangère à l’enseignement ? Non, certes ; elle ne pouvait pas l’être, elle ne l’a pas été. Il suffit pour s’en convaincre d’en relire les articles 13 et 44, dont le second est trop clair pour avoir besoin de commentaire et dont le premier, sur la demande de M. le ministre de l’Instruction publique, a été habilement obscurci par un avis du Conseil d’État. La loi de 1901 s’est proposé deux objets : supprimer un certain nombre de congrégations, — elle n’entendait pas les supprimer toutes, — et donner à l’État des garanties que ses auteurs jugeaient alors suffisantes contre certaines conséquences de la liberté de l’enseignement. Il est donc faux que les questions d’enseignement soient restées en dehors de ses préoccupations : il serait plus vrai de dire qu’elles y ont occupé la première place. Mais, comme il arrive si souvent, les mêmes hommes qui avaient fait appel à des passions violentes pour opérer ce qu’ils croyaient être une simple réforme intellectuelle, ont cessé bientôt d’être maîtres du mouvement qu’ils avaient déchaîné. Leur parole imprudente avait fait espérer plus qu’ils n’avaient l’intention de donner ; mais ceux qui avaient conçu ces espérances ne devaient pas se contenter d’une demi-satisfaction. On les avait associés au pouvoir, ils en restaient les maîtres. Tout ce que nous avons vu depuis quinze mois est la suite logique de cette situation. Est-ce que M. Waldeck-Rousseau s’était proposé de supprimer toutes les congrégations d’hommes ? Non, assurément ; il s’était contenté de créer l’instrument avec lequel on pourrait le faire et de se désintéresser de la question de savoir entre quelles mains il tomberait. De même pour la liberté de l’enseignement. Il ne voulait pas la supprimer ; mais il avait prononcé des paroles qui en avaient montré