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sans emploi déçus dans leurs ambitions, les soldats licenciés obligés de chercher leur subsistance dans l’exercice de la piraterie, etc., le nombre est grand des gens qui ne demandent qu’à grossir les bandes des mécontens, telles que celle des Boxers qui subsiste encore sous des dénominations diverses, sur différens points du territoire, ou bien les bandes de rebelles telles que celle dont étaient formés les Taï-Pings, etc. Le nombre est grand également, des élémens que l’étranger peut recruter, s’attacher par l’appât du gain, organiser en corps indigènes et même, opposer, à un moment donné, à leurs compatriotes. De même, on n’empêchera jamais les Chinois unis à des commerçans, à des missionnaires, etc., par les lions de la reconnaissance, de la foi, ou d’un puissant intérêt, à rester fidèles, en toute circonstance, aux étrangers auprès desquels ils se sont groupés et avec lesquels ils se considèrent comme solidarisés. Mais, si une guerre générale, un appel aux armes pour la défense de l’indépendance du territoire, tel que celui contenu dans le décret du 21 juin 1900, de l’empereur Kouang-Tsu, si une véritable levée en masse venait à être décrétée par la Cour après s’être assurée, au préalable du concours entier des vice-rois, des mandarins, des lettrés, etc., il n’est point douteux que le nombre des Chinois qui feraient défection à la cause nationale serait alors considérablement réduit.

On objecte encore, et en apparence avec plus de raison, que le Chinois n’a ni l’instinct guerrier ni l’esprit militaire et qu’il deviendrait, par conséquent, très difficile, si on y était obligé par les circonstances, d’arriver à inspirer le goût du métier militaire à la masse des Célestes ; que la condition du soldat y est méprisée de la part des lettrés, de sorte que l’armée ne sera pas susceptible de réels progrès tant qu’elle se composera d’officiers de fortune, sans prestige, ou de bacheliers militaires sans instruction professionnelle, et d’hommes recrutés dans la partie flottante des villes, la lie de la population.

Nous répondrons, tout d’abord, qu’il ne nous paraît nullement désirable, dans l’intérêt même de cette puissance, de voir y revivre cet instinct guerrier qui fait la force d’autres nations,