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le château et les sommets altiers qui les dominent, on aperçoit, dans un océan de verdure, la nappe bleue et moirée d’un lac, le vieux donjon de Bellegarde, la chapelle de Notre-Dame de Myans, la pittoresque cité de Montmélian, le bourg de Françin et enfin le manoir d’Apremont qui appartint jadis aux d’Allinges, entouré de deux torrens qui descendent de la montagne à laquelle il est adossé. Au loin, tantôt perdues dans les brumes, tantôt resplendissantes de lumière, les cimes neigeuses des Alpes ferment l’horizon. Que l’on contemple ce paysage à l’aube naissante ou au déclin du jour ou quand le soleil de midi le dore de ses feux, il apparaît féerique. Il semble que nulle part au monde la nature n’a pu donner une parure plus somptueuse à des constructions élevées par les hommes. Celles des Marches datent de 1342. Autour d’elles, s’est formé avec le temps un vaste domaine qu’on voit passer par diverses mains et de celles de Béatrix de Portugal, duchesse de Savoie, arriver, vers 1530, en la possession de noble François Noyel de Bellegarde.

Il existait déjà plusieurs familles portant ce nom sans qu’on puisse établir si elles ont une origine commune. Il y a eu des Bellegarde en France, en Autriche, en Saxe, en Hollande, en Piémont, en Savoie. En France, un Bellegarde se distingue sous François Ier. Son fils, le duc de Bellegarde, favori de Henri IV, épouse au nom de ce prince et par procuration Marie de Médicis. Vers le même temps, on fait grand bruit d’un procès que lui intente un de ses bâtards. On raconte que ce jeune homme qui a gagné en Angleterre une fortune au jeu de paume lui a versé cinquante mille livres pour l’obliger à avouer en justice qu’il est son père[1]. Par le mariage de deux enfans légitimes, la maison de Bellegarde s’allie aux Montespan. En 1791, on compte jusqu’à trois Bellegarde dans l’armée de Condé. On en retrouve deux dans les armées impériales. L’aîné périt à Wagram. Le plus jeune fait toutes les campagnes napoléoniennes. La femme de l’un d’eux avait été emprisonnée à Paris pendant la Terreur et ne put se sauver qu’en se déclarant enceinte.

Dans les autres pays où les Bellegarde ont prodigué leurs services, ils font toujours et partout grande figure. Ayant embrassé, presque tous, la carrière des armes, ils atteignent les plus hauts grades. A deux reprises, les circonstances les font se

  1. Registres d’Hozier.