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ni par ceux qu’il y a lieu de redouter encore. L’idée que la Savoie deviendra française les enthousiasme non moins que l’esprit nouveau qui souffle sur le monde. Entre cet esprit auquel l’avenir est promis et l’ancien régime dont les émigrés qui s’agitent et intriguent sous leurs yeux sont la représentation vivante, leur choix est fait. Si elles l’osaient, elles crieraient : Vive la France ! Vive la République une et indivisible ! Elles se taisent encore. Ce qu’elles pensent, elles ne se le disent qu’entre elles. Mais, d’ardens espoirs gonflent leur cœur, entretenus par les tentatives jacobines dont la ville de Chambéry est à tout instant le théâtre et par les papiers publics que le voisinage de Grenoble leur permet de recevoir.

Elles apprennent, dès le mois d’août, que le général de Montesquiou n’attend plus pour pousser sa pointe en Savoie que d’avoir organisé son armée, déjoué les basses manœuvres de ses adversaires, qui s’efforcent à Paris de le rendre suspect afin de le dépouiller de son commandement, et reçu l’ordre d’avancer. Elles assistent de même aux mesures de défense que prend sur sa frontière le gouvernement piémontais. Aux onze régimens d’infanterie nationale dont il dispose, à ses quatre régimens étrangers, à sa légion des campemens, à sa division de dragons, il ajoute des effectifs considérables, en mobilisant ses quatorze régimens provinciaux, composés d’anciens officiers et soldats. La maison du roi, quatre bataillons d’artillerie, deux bataillons du génie, grossissent cette armée, la portent à quarante-cinq mille hommes dont une partie est envoyée en Savoie sous les ordres du général de Lazari et du marquis de Cordon. Les nobles de Savoie y ont pour la plupart des commandemens. Le mari de Victoire y commande la légion des campemens[1].

En ce même mois d’août, six mille hommes occupent Montmélian et les environs ; il y en a aussi à Pont-de-Beauvoisin, à Carouge, à Rumilly ; les passages du Rhône, de l’Isère et du Guiers sont gardés. La garnison de Chambéry a été renforcée. Le donjon de Bellegarde, le château d’Apremont, la chapelle érigée sous le vocable de Notre-Dame de Myans, sont transformés en redoutes. Enfin, les habitantes des Marches voient arriver un jour un nombre respectable de canons, qu’on dresse

  1. Ces détails sont empruntés aux Archives de la Guerre à l’aide desquelles le commandant Krebs et M. Henri Morris ont raconté les Campagnes dans les Alpes pendant la Révolution. Paris, 1891.