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action postérieure. D’après certains bruits, la commission, menacée par les Doui-Menia, aurait rétrogradé précipitamment, Guebbas et les Marocains se seraient enfuis à franc étrier jusqu’à Figuig ; rien de tout cela n’est exact : le lendemain du jour où Guebbas eut fait, devant les chefs des tribus, lecture de la lettre du Sultan, la commission, n’ayant plus rien à faire à Kenadsa, s’achemina tranquillement vers Beni-Ounif, en faisant un crochet vers le Sud pour visiter de nouveaux ksour. Il n’y eut aucun acte d’hostilité ; pas un coup de fusil ne fut tiré durant tout le voyage ; l’escorte ne trouva pas l’occasion de donner libre cours à ses ardeurs belliqueuses.

Le passage de la commission franco-marocaine à Figuig, à Bechar et à Kenadsa n’était et ne pouvait être que le prélude de l’organisation nouvelle de la zone frontière ; son œuvre devait être complétée par une série de mesures locales destinées à assurer la police et à faciliter la pénétration commerciale réciproque. Il restait notamment à installer à Oudjda un commissaire, prévu par le protocole du 20 juillet. Les fruits de l’entente entre les deux puissances voisines ne pouvaient être recueillis en un jour, ni dans le Sud-Oranais, ni au Maroc même ; mais l’opinion publique algérienne, mobile et impressionnable, fréquemment alarmée par les actes de brigandage de la frontière, peu sympathique aux négociations avec le représentant du Sultan où elle s’obstinait à voir une humiliation, se hâta de proclamer l’échec de la commission ; les esprits aventureux, dans l’espoir de précipiter une rupture entre la France et le Maroc, partirent en campagne. La politique de coopération avait échoué, disait-on, puisque le Sultan n’était pas en mesure d’imposer sa volonté à ses sujets récalcitrans ; et l’on oubliait d’une part, qu’en dépit du droit de suite, nous ne saurions jamais poursuivre assez loin ni assez vite les tribus dissidentes pour les atteindre sans risquer de provoquer des complications diplomatiques ; et, d’autre part, l’on aurait dû réfléchir que l’inefficacité partielle de l’intervention du Maghzen ne pouvait que nous être avantageuse, puisque nous étions nous-mêmes délégués par lui pour suppléer à son impuissance et imposer sa volonté.

Au moment même où l’on se hâtait de proclamer l’insuccès de la politique suivie par M. Delcassé et M. Revoil, ceux-ci, persévérant dans leur méthode, mettaient à profit le séjour de Guebbas à Alger pour s’entendre avec lui sur les moyens à