Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/693

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passer dans la réalité pratique. C’est là que les difficultés allaient commencer ; et elles allaient venir non de la mauvaise volonté du Maghzen ou de ses délégués, mais d’Algérie, où la politique du gouverneur général trouvait des adversaires haut placés, et de France, où la timidité du gouvernement s’ajoutait à des défiances personnelles pour porter le conseil des ministres à ne pas suivre jusqu’au bout la méthode tracée par M. Revoil d’accord avec M. Delcassé. En même temps, des troubles, qui durent encore, commençaient parmi les tribus du bled-es-siba et immobilisaient les forces et l’activité du Sultan, tandis que des intrigues de cour, encouragées sous-main par des influences étrangères, travaillaient à ébranler le crédit de Guebbas. Les difficultés, cependant, grossissaient, et les attentats, de plus en plus fréquens tout le long de la frontière, appelaient une répression énergique que le gouverneur général comptait exercer d’accord avec le délégué du Sultan et dont il demandait avec instances les moyens au gouvernement. Mais, partout, il se heurtait à une mauvaise volonté évidente, et chaque jour écoulé emportait l’occasion d’agir et avec elle l’espoir d’achever promptement l’entreprise commencée. Jusque dans les oasis sahariennes de l’Extrême-Sud, l’œuvre ébauchée, sous la direction du commandant Laperrine, par les raids si remarquables des lieutenans Cottenest et Guillo-Lohan[1], était brusquement interrompue, sans raisons sérieuses, au moment même où elle allait aboutir, sans frais et sans coup férir, à la jonction de nos postes du Touât avec ceux du Niger et à la soumission complète du pays Touareg.

Cependant, la situation, dans la zone frontière, devenait intolérable ; il n’était plus possible de ne pas intervenir. Le gouverneur général obtint enfin l’autorisation de lancer deux petites colonnes, l’une dans le Bechar, l’autre dans le Beni-Smir. C’est sur ces entrefaites que M. Revoil fut réduit, dans des circonstances que l’on n’a pas oubliées et que nous n’avons pas à apprécier ici, à donner sa démission.

  1. Parti du Touât, le lieutenant Cottenest avec une petite troupe de tirailleurs sahariens, montés sur des méharis, a fait le tour du massif du Hoggar et battu à Titt 300 Touareg qui voulaient lui fermer la route de retour. Le lieutenant Guillo-Lohan a visité les misérables douars des Touareg-Hoggar. Enfin, le commandant Laperrine lui-même, avec M. Emile Gautier, vient d’explorer l’Ahanet et d’atteindre In-Zize, à mi-chemin entre le Touât et Tombouctou. On peut dire qu’aujourd’hui il n’y a plus de question Touareg.