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Sultan, pour qu’ils ne puissent s’abriter derrière ce qui restera du Maroc indépendant ; quand les Doui-Menia et les Oulad-Djérir auront tous accepté la domination française, quand les brigands de la veille seront devenus les gendarmes du lendemain, nous nous trouverons en contact avec les Beni-Guil et les Amour, et, plus loin, avec les hommes du Tafilelt et, par-delà les cimes neigeuses de l’Atlas, avec ces nombreuses tribus berbères qui n’ont jamais subi aucun joug et d’où partent ces redoutables harka dont l’attaque a été parfois si meurtrière à nos postes ; toujours, à la périphérie de la zone organisée, nous retrouverons la masse inorganique des tribus indépendantes, avec leurs instincts farouches, leur haine de tout ce qui est étranger, leur horreur de tout ce qui est nouveau. Mais, en exerçant ainsi, peu à peu, dans les marches algéro-marocaines, l’influence fécondante de notre sentiment de la justice, de notre amour de la paix et de notre activité commerciale, nous prouverons au Sultan la valeur bienfaisante de notre amitié, nous lui montrerons par quels procédés et pour quel objet s’exerce la puissance française. Et lorsque nous aurons mis la paix sur nos frontières en organisant nos tribus et en aidant le Maghzen à dompter les siennes, il se trouvera que nous aurons, sans qu’on y prenne garde, échantillonné le protectorat, et rempli la fonction que l’histoire et la nature destinent à la France, de civiliser le Maroc et de l’éveiller de la léthargie où l’Islam endort ses énergies et ses richesses.


RENE PINON.