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Thomas Bartholin, médecin danois et anatomiste de grand renom, écrivit, au cours de la dispute qui s’éleva à ce propos, une petite pièce intitulée Les Funérailles du foie, qui se répandit dans les écoles. Le pamphlet se terminait par une épitaphe, bien connue, dans laquelle le foie était enterré comme un seigneur sans importance, comme un personnage déchu : Siste viator. Clauditur hoc tumulo qui… Abi sine jecore viator.

La réaction contre cette manière de voir, manifestement exagérée, a été lente : mais elle était inévitable. Le XIXe siècle a vu la restauration, par la main des physiologistes, de l’organe que les anatomistes du XVIIe siècle avaient détrôné. — C’est Magendie qui fut le premier instrument de cette révolution. Il rouvrit, en effet, aux alimens, aux produits de la digestion, la route du foie que leur avaient fermée Aselli, Pecquet, Rudbeck et Bartholin. — Claude Bernard fut le second ouvrier de cette réhabilitation du foie. Il agrandit encore son rôle en montrant qu’il est la source du sucre indispensable à la nutrition des parties et au fonctionnement des muscles (fonction glycogénique). — Meissner, en 1864, découvrit un nouveau champ ouvert à l’activité hépatique : c’est la fabrication de l’urée, c’est-à-dire de la substance qui est le résultat de l’usure des organes et le témoin de leur activité vitale (fonction uropoïétique). — On connut ensuite que le foie exerçait une fonction de défense contre les poisons de toute espèce qui viennent de l’intestin : contre les substances minérales (Orfila), contre les alcaloïdes végétaux (Heger et Schiff, H. Roger), enfin contre les produits de désintégration et les poisons microbiens (Camara, Pestana, Charrin). — Nouvelle acquisition, la connaissance de la fonction adipogénique, qui fait le pendant de la fonction glycogénique. Entrevue déjà par Magendie, son étude se poursuit et se complète chaque jour : le foie fixe les graisses ou les fabrique, et les distribue aux parties selon leurs besoins. — La fonction pigmentaire a été mise en lumière par MM. Dastre et Floresco, en 1897 : le foie fixe les matières colorantes, et, par exemple la matière verte des plantes ; il produit des pigmens qui sont les mêmes d’un bout à l’autre de la série animale. Enfin, la fonction martiale a été signalée en 1899 (Dastre).

La Physiologie contemporaine s’est donc enrichie d’un grand nombre de notions nouvelles relativement au fonctionnement du foie. Ce n’est certainement pas ici le lieu d’exposer le détail de ces faits : mais il peut être intéressant d’en dégager la signification générale — et de prendre, pour ainsi dire à vol d’oiseau, un aperçu de ce domaine progressivement acquis.