Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subi dans les autres organes une dénaturation complète. Le foie est vraiment ainsi, directement par l’absorption veineuse et indirectement par l’absorption lymphatique, le point d’arrivée, l’aboutissant des matières alibiles élaborées par la digestion. Il est, d’une manière générale, la première station sur le trajet de toutes les substances alimentaires ou non, utiles ou nuisibles, qui pénètrent dans l’organisme par la voie de l’estomac ou de l’intestin.

C’est là ce qu’établit clairement Magendie. Il restitua à la veine-porte, confluent de toutes les veines intestinales, le rôle prépondérant qui lui appartient dans l’absorption des produits de la digestion. Plaçant un poison dans une anse d’intestin, il montra que l’intoxication ne se produit pas si l’on vient à lier les veines tout en conservant les lymphatiques intacts ; au contraire, le tableau de l’empoisonnement se déroule si l’on interrompt le trajet des lymphatiques en conservant la perméabilité des veines. Cette expérience établit l’arrivée directe au foie, par absorption veineuse, des matières qui peuvent passer à travers la muqueuse digestive. — Elle met en lumière une seconde vérité : c’est à savoir, le rôle protecteur du foie vis-à-vis des poisons. Cet organe modifie ou fixe les substances toxiques que lui amène la veine-porte ; il les rend anodines, ou en diminue tout au moins la nocivité : par-là il contribue à la défense de l’organisme contre tous les poisons, soit qu’ils viennent du dehors, soit qu’ils naissent dans l’organisme par suite des fermentations et putréfactions intestinales ou par l’effet de la destruction continuelle qu’y subissent les matières albuminoïdes. Ce rôle de protection a été mis en évidence dans ces dernières années par des expériences qui ne sont que le prolongement et la répétition de celle de Magendie.

Mais, pour le célèbre physiologiste, il ne s’agissait encore que du trajet des alimens digérés. C’était déjà réhabiliter le foie et le rétablir dans une partie des dignités, charges et offices que lui avait attribués Galien, que de montrer dans la veine-porte la véritable voie d’absorption ; de prouver qu’elle déverse la plus grande partie des produits de la digestion dans ce viscère. Galien ajoutait à cette vérité l’hypothèse que celui-ci, à son tour, les transforme en liquide nourricier, en sang, par une véritable « faculté sanguifique. » Le résidu de cette opération était la bile, — on disait alors « les biles. »

Le célèbre médecin de Pergame se faisait, comme tous ses contemporains, une idée très chimérique de ces résidus. Ils étaient, pour lui, au nombre de trois : la « bile jaune » déversée dans l’intestin ; la « bile notre » qui est entraînée vers la rate ; et le « sérum, » liquide