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niosité et de l’adresse dans la position qu’il a prise parce qu’elle est de celles où l’on ne peut pas, quoi qu’il arrive, se compromettre infiniment. Si le pays lui donne raison, c’est-à-dire s’il lui donne la majorité, il fera avec celle-ci un nouveau bail de quelques années. Si le pays lui donne tort, il ne tombera pas d’assez haut pour se faire beaucoup de mal, et l’avenir lui restera ouvert. On ne peut donc que constater sa prudence. Mais, pour le quart d’heure, il doit compléter son cabinet, et ce n’est pas chose aussi facile qu’on l’avait cru, puisqu’il n’y est pas encore parvenu. Les bruits répandus à ce sujet sont trop confus pour que nous les reproduisions aujourd’hui. Deux choses cependant paraissent hors de doute : la première que l’influence de M. Chamberlain continue de s’exercer sur le cabinet pour les choix à faire ; la seconde que M. Balfour doit compter encore avec une autre influence, qui ne serait peut-être pas tout à fait d’accord avec la première, et qui n’est autre que celle du roi Edouard. Tout cela se passe dans une pénombre où il est difficile de voir clair. Quand le cabinet sera parachevé, on reconnaîtra dans quelle mesure M. Chamberlain aura obtenu satisfaction.

Pour ce qui est du roi, ce qu’on a dit de son opposition à certains choix ne doit être accueilli qu’avec réserve ; mais il prend certainement une part importante à l’élaboration du cabinet ; en quoi il donne un bon exemple. On nous a dit si souvent qu’un chef d’Etat constitutionnel, après avoir désigné un président du Conseil et l’avoir chargé de former un ministère, n’avait plus qu’à se croiser les bras, à attendre et à signer la liste qu’on lui présente, que nous ne sommes pas fâché de constater que le roi d’Angleterre ne procède pas tout à fait ainsi. Il a une opinion sur les candidats qu’on lui soumet et ne les accepte pas sans discernement, parce qu’il a le sentiment que le choix des personnes n’est pas indifférent à la marche des affaires et qu’il a une responsabilité dans celle-ci. Encore une fois, c’est un excellent exemple, et nous souhaitons qu’il serve de leçon.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.