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Après avoir touché barre à Genève, j’espère vous arriver une de ces après-midi : mais, je vous en supplie, ne me logez pas ; j’irai chez vous dès le matin, et le soir et le jour, mais laissez-moi ne vous donner aucun embarras de cette sorte. J’ai déjà vu votre bord du lac par l’Aigle (le bateau à vapeur). J’ai passé deux heures à Vevey et j’ai couru vers Clarens. J’ai en portefeuille une petite lettre de M. de Senancourt avec recommandation de localité. Vous voyez que je suis tout préparé. Ce que je viens de voir m’a enchanté : Thoune et Lauterbrunnen et la Jungfrau face à face, c’est plus que je n’en aurais jamais osé espérer. J’ai vu aussi ce fond du lac des Quatre-Cantons ; j’ai salué le Rütli et débarqué sur le rocher de Guillaume Tell. Je vous arrive donc en Suisse de vieille roche déjà et du cœur. Eh ! qui peut me dire mieux que vous votre pays de Vaud, que vous venez, m’a-t-on dit, de raconter historiquement avec tant de mérite ? J’ai, par malheur, bien peu de temps ; mais deux ou trois jours de satisfaction cordiale et poétique, c’est quelque chose, et je veux me les procurer. Adieu, veuillez offrir à Mme Olivier, avec tous mes respects, mes vifs désirs de la connaître et mon espoir que ce sera dans peu de jours.

« Recevez toutes mes amitiés reconnaissantes.

« SAINTE-BEUVE. »